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Le port du masque impacterait peu les interactions sociales des enfants

port du masque enfant
Publié le 06/01/2021
Catherine Piraud-Rouet
Journaliste spécialisée en puériculture et éducation
Les masques souvent portés en leur présence par les professionnels de l'enfance n'empêcheraient pas les enfants de déchiffrer les expressions faciales, et donc les émotions, de leur interlocuteur. C’est ce qui ressort d’une étude de chercheurs américains, publiée le mois dernier.

De nombreux professionnels de la petite enfance contraints de porter un masque en présence des enfants accueillis, dont les assistantes maternelles présentant certaines vulnérabilités ou exerçant en maisons d’assistantes maternelles (MAM), s’inquiètent depuis le début de la pandémie de Covid-19 du potentiel impact du port de cet accessoire sur les interactions sociales des enfants, l’apprentissage du langage ou la bonne appréhension des émotionsUne récente étude de l’Université du Wisconsin-Madison, parue dans la revue Plos One le 23 décembre dernier, devrait - en partie - les rassurer.
 

L’enjeu : déterminer l’impact réel du masque sur les interactions sociales des enfants

Les études précédemment menées en la matière ont montré que les humains sont particulièrement sensibles à l’expression du regard. Celle-ci leur suffit pour décrypter de manière pertinente les expressions émotionnelles, même lorsqu’un masque couvre la bouche et le nez. Toutefois, lorsque les émotions sont ambiguës (par exemple, entre peur et surprise), adultes comme enfants concentrent leur attention entre les yeux et d’autres parties du visage potentiellement sources d’indices, comme le nez ou la bouche. Autant de zones inaccessibles lorsqu’on est face à quelqu’un qui porte un masque chirurgical. Il s’agissait donc de déterminer dans quelle mesure le port du masque pouvait impacter la bonne compréhension des émotions de leurs interlocuteurs par les enfants.
 

Trois configurations de visages

L’étude s’est appuyée sur les observations de 81 enfants âgés de 7 à 13 ans. Ceux-ci ont été confrontés à trois types de configurations : des adultes au visage découvert ; portant des lunettes de soleil cachant leur regard - un mode de dissimulation partielle du visage dont les enfants sont familiers - ou encore portant des masques chirurgicaux sur la bouche et le nez.  

Différentes émotions négatives à décrypter

Des images de visages (féminins et masculins) porteurs de différentes émotions négatives (tristesse, colère, peur…) leur ont été présentées de manière aléatoire. D’abord dans un format fortement dégradé, où les enfants avaient seulement accès à une information faciale partielle. Puis de manière plus distincte, à intervalles réguliers. Après chaque visionnage, ils devaient sélectionner sur un tableau à quelle émotion le visage qu’ils avaient vu correspondait le mieux. « Cette approche est plus similaire aux expériences quotidiennes, avec la mise au jour progressive des émotions d’autrui, plutôt qu’une unique présentation d’un visage en pleine intensité émotionnelle », expliquent les auteurs de l’étude.
 

Un taux d’erreurs peu significatif face à des visages en partie camouflés

Les enfants se sont toujours montrés capables de reconnaître les émotions manifestées, même quand des parties du visage étaient dissimulées. Sans surprise, ils ont commis moins d’erreurs à mesure que les images étaient plus distinctes et qu’ils les revoyaient. Si les taux de bonnes réponses les plus élevés ont été enregistrées face à des visages découverts, les résultats n’étaient que faiblement inférieurs – et sensiblement les mêmes - que le visage observé porte un masque ou des lunettes de soleil. Deux émotions : la colère et la peur, ont donné particulièrement de fil à retordre aux enfants dans ces deux cas. Par ailleurs, la confusion entre peur et surprise était particulièrement prononcée face aux visages masqués.
 

L’expression du visage n’est qu’un élément parmi d’autres dans la communication

Toutefois, dans tous les cas, l’interprétation de l’émotion « tristesse » était la bonne. « Bien que les enfants puissent requérir davantage d’informations visuelles pour décrypter les émotions d’une personne portant un masque, ils peuvent raisonnablement reconnaître si celle-ci est triste ou en colère, rien qu’en se basant sur la région des yeux», analysent les auteurs de l’étude. Ils soulignent que le contexte général de la relation, la tonalité de la voix, le langage corporel et la coloration du visage jouent aussi. Avant de conclure : « Ces données suggèrent que bien que le port des masques par leurs interlocuteurs les confronte à des challenges, en combinaison avec d’autres indices contextuels, les masques ne sont pas susceptibles d’impacter dramatiquement les interactions sociales des enfants dans leur vie quotidienne. »
 

Nécessité d’aller plus loin pour étudier les très jeunes enfants

L’étude, réalisée auprès d’enfant âgés de 7 ans et plus, incite à approfondir les recherches, notamment sur la manière dont les interactions sociales des très jeunes enfants, qui apprennent activement de l’expression des émotions d’autrui, sont impactées par le port du masque. En attendant de plus amples résultats, l'utilisation de masques inclusifs reste recommandée pour l'accompagnement des plus petits.