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Repas sur fond de télévision, appauvrissement du langage des enfants

Repas sur fond de télévision,  appauvrissement du langage des enfants
Publié le 15/06/2021
Catherine Piraud-Rouet
Journaliste spécialisée en puériculture et éducation
Le fait que la télévision soit allumée en permanence au moment des repas familiaux est corrélé avec un plus faible développement du langage. C’est ce qu’il ressort d’une récente étude de l’Inserm.

Les enfants âgés de 3 à 6 ans passent en moyenne près de 2 heures par jour devant les écrans. Si de nombreuses études ont mis en évidence des liens entre le temps passé devant et le développement cognitif de l’enfant, peu de travaux s’étaient jusqu’ici penchés sur le contexte des usages.

Dans une étude publiée le 8 juin dernier dans la revue Scientific Reports, des chercheurs Inserm au CRESS (Centre de Recherche en Épidémiologie et Statistiques) ont identifié une corrélation négative entre le temps d’exposition à la télévision pendant les repas et le niveau de langage des enfants.

Plus de 1 500 enfants suivis entre 2 et 5 ans et demi

Les chercheurs se sont appuyés sur le suivi sur plusieurs années d’enfants issus de la cohorte française EDEN, première étude de cohorte généraliste sur les déterminants pré et post natals précoces du développement psychomoteur et de la santé de l’enfant. Des questionnaires ont été remplis par les parents des 1 562 enfants de la cohorte suivis à l’âge de 2, suivis par d’autres questionnaires remplis par des psychologues à l’âge de 3 ans et 5 ans et demi.

Les parents ont notamment renseigné la fréquence à laquelle la télévision était allumée pendant les repas. Pour le temps d’écran des enfants, seuls les temps passés devant la télévision, l’ordinateur et les jeux vidéo ont été considérés. D’autres variables comme les caractéristiques socioéconomiques de la famille ou liées à l’enfant (sexe, mode de garde, activités avec les parents…) ont été prises en compte.
 

Trois points de QI de différence en moyenne

L’étude a mis en évidence le fait que les usages liés aux écrans portaient davantage à conséquence sur le langage des enfants que le temps passé devant stricto sensu. En croisant ces données, les chercheurs se sont en effet aperçu qu’une fréquence plus élevée de télévision allumée (regardée ou allumée en fond sonore ou visuel) pendant les repas de famille était associée à de moins bons résultats en matière de langage. En revanche, le langage de l’enfant ne semblait pas directement lié au temps qu’il passe devant les écrans.

A 2 ans le niveau de langage était ainsi plus faible chez les enfants « toujours » exposés à la télévision pendant les repas de famille par rapport aux enfants qui ne l’étaient « jamais ». À 3 et 5 ans et demi, les évaluations de langage et le quotient intellectuel verbal étaient plus élevés chez les enfants « jamais » exposés à la télévision pendant les repas de famille, par rapport à ceux qui l’étaient « parfois » ou plus fréquemment. Avec une différence moyenne de 3 points de QI à 5 ans et demi entre les enfants toujours été exposés à la télévision pendant les repas à l'âge de 2 ans et ceux qui ne l’étaient, jamais.
 

Les échanges verbaux, clés du bon développement du langage

Ces résultats encouragent donc à mieux prendre en compte le contexte dans lequel s’inscrit l’exposition aux écrans, et pas seulement sa durée. « La télévision pendant les repas peut donc constituer un frein aux interactions verbales de l’enfant, diminuant à la fois la qualité et la quantité des échanges entre enfants et adultes », explique Jonathan Bernard, chercheur Inserm et co-auteur de l’étude. Selon l’équipe, les stimulations auditives et visuelles induites par la télévision peuvent accroître les difficultés pour un enfant d'extraire d’un fond sonore les distinctions phonologiques et caractéristiques syntaxiques propres à la langue et nécessaires à la qualité de son apprentissage.