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Protection de l’enfance : un projet de loi « pas à la hauteur » selon la Défenseure des droits

Protection de l’enfance : un projet de loi « pas à la hauteur » selon la Défenseure des droits
Publié le 21/10/2021
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Accompagnement des jeunes majeurs, non recours à l’hôtel : dans un avis publié hier, Claire Hédon émet de vives critiques sur le texte qui sera prochainement discuté au Sénat, une « occasion manquée » d’améliorer la gouvernance.

En préambule de son avis, la Défenseure des droits regrette le manque de « bilan d’analyse » préalable à l’écriture du projet de loi, des « délais très serrés » et le choix de la procédure accélérée pour la lecture et le vote du texte par le Parlement. « Ceci ne peut que nuire à un débat démocratique d’ampleur, pourtant essentiel sur cette question » affirme-t-elle.

Malgré quelques avancées, le texte n’est selon elle « toujours pas à la hauteur des besoins » en protection de l’enfance, qui constitue pourtant « de loin, le premier motif de saisine de l’institution en matière de droits des enfants ».

Critique de la contractualisation

La Défenseure des droits manie ensuite l’art de la prétérition : tout en rappelant que son institution n’a pas pour prérogative de dresser le bilan d’une politique publique, elle le fait quand même, constatant que la politique de contractualisation Etat-département « ne semble pas pleinement efficiente ».

Ainsi, les dispositifs manquent encore pour les enfants en situation de handicap et accompagnés par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), et « les besoins restent très importants sur le terrain quant à une plus grande concertation et une meilleure coordination des acteurs de la protection de l’enfance émanant de champs professionnels différents : éducation, médical, social et médico-social ».

Quant à la prévention précoce, elle alerte sur le manque de places en centre parental pour l’accueil de jeunes parents en difficultés.
 

De fortes réserves, voire des reculs

Place ensuite à son avis mesure par mesure :

Sur la séparation des fratries : la modification prévue s’avère « peu claire et redondante » avec les textes existants, prévoyant déjà une absence de séparation sauf exception. Par ailleurs sans moyens supplémentaires, cet accueil des fratries ne pourra être opérant : « on peut à ce titre déplorer le manque de places en villages d’enfants, structures particulièrement adaptées à ce type de prise en charge ».

Sur le non recours à l’hôtel sauf « à titre exceptionnel » pour les jeunes majeurs : « La Défenseure des droits réitère sa recommandation visant l’interdiction totale du placement hôtelier pour tous les enfants, ou dans toute autre structure qui ne relèverait pas des garanties prévues par le Code de l’action sociale et des familles, y compris dans le cadre de l’accueil provisoire d’urgence ».

Sur la préparation des jeunes la sortie de l’ASE : elle regrette que l’information aux droits et les entretiens avant la majorité déjà prévus par la loi de mars 2016 « ne soient que partiellement réalisés », et s’inquiète de l’exclusion de cet entretien pour les mineurs entrant après 17 ans à l’ASE. Elle rappelle également que « de nombreux départements mettent encore fin aux prises en charge à 18 ans ou en cours d’année scolaire sans que cette décision ne soit motivée ni notifiée individuellement au jeune et sans que les voies de recours ne lui soient indiquées ».

Sur l’accompagnement des jeunes majeurs : elle regrette que le projet de loi à ce stade ne garantisse « aucunement un accompagnement aux jeunes majeurs », faute d’obligation pour les départements de prolonger des mesures de protection des enfants placés durant leur minorité, jusqu’à leurs 21 ans. Elle y voit « un recul par rapport au droit actuel » car sont désormais exclus de l’accompagnement tous les jeunes adultes de 18 à 21 ans qui n’auraient pas été pris en charge du temps de leur minorité par l’ASE.

Quant au « couperet de 21 ans », il « n’est plus adapté aux réalités de la société actuelle dans laquelle les jeunes (qui vivent sans difficulté avec leurs parents) ne parviennent à une réelle autonomie que vers l’âge de 25 ans ».
 

Secteur en crise aiguë

L’accompagnement en santé des enfants en protection de l’enfance, la lutte contre les violences institutionnelles à leur égard, le développement de l’accompagnement des familles, la désignation d’un avocat pour l’enfant en assistance éducative et l’accompagnement des mineurs non accompagnés figurent également dans cet avis.

En conclusion, la Défenseure des droits estime que le texte « est une occasion manquée d’améliorer la gouvernance de la protection de l’enfance, alors que le secteur est en crise aiguë d’attractivité, en perte de sens, dans lequel les travailleurs sociaux éprouvent une sentiment de déconsidération ».