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Les jeunes enfants ont du mal à décrypter les émotions des adultes masqués

Les jeunes enfants ont du mal à décrypter les émotions des adultes masqués
Publié le 18/06/2021
Catherine Piraud-Rouet
Journaliste spécialisée en puériculture et éducation
Pour les enfants d’âge préscolaire, il est difficile de convenablement interpréter les émotions des adultes porteurs de masques chirurgicaux, démontre une récente étude italienne. Ce qui pose la question de l’impact à long terme de ces manquements sur le développement de leurs interactions sociales.

Des mois et des mois à ne voir que des adultes porteurs de masques : quelles seront les conséquences à terme chez les plus jeunes de cette situation contre nature ? Une étude de l’Istituto Italiano di Tecnologia (ITT) de Gênes, publiée le 25 mai dernier dans la revue Frontiers in Psychology, lève le voile sur un effet collatéral des mesures préventives liées à l'urgence sanitaire : les enfants d’âge préscolaire ne peuvent pas percevoir facilement la tristesse et la joie chez les personnes qui portent des masques.
 

Une quarantaine de visages, avec ou sans masque, à décrypter

Pour garantir l’effet de nouveauté, l’expérience s’est déroulée au début de la crise (en mai 2020). Les chercheurs de l’ITT ont proposé à 119 participants, dont 31 enfants âgés de 3 à 5 ans, 49 âgés de 6 à 8 ans et 39 jeunes adultes âgés 18 et 30 ans, un quiz basé des images d’une quarantaine de visages adultes, avec et sans masque facial. Tous ont été invités à tenter de reconnaître les expressions des visages, lesquels exprimaient quatre types d’émotions (bonheur, tristesse, peur et colère) avec deux niveaux d’intensité (légère, extrême), et une expression faciale neutre.
 

Les 3 - 5 ans, classe d’âge la plus en difficultés

Le bilan de l’expérience est édifiant. Face à des visages masqués, les 3 - 5 ans ne sont capables de reconnaître les expressions faciales véhiculant bonheur et tristesse que dans 4 cas sur 10. Des taux de réussite plus élevés pour les autres tranches d'âge : 55 à 65 % pour les 6 - 8 ans et 70 à 80 % pour les adultes. Tous les participants, quel que soit leur âge, confirmant une certaine difficulté à interpréter les émotions exprimées par un visage masqué.

Un impact potentiellement accru sur les enfants atteints d’un handicap

Les conclusions font craindre un impact réel du port du masque sur la capacité d'interaction sociale des enfants, directement liée à celle de reconnaître l’émotion chez l’autre. Les chercheurs fondent leurs espoirs dans la plasticité cérébrale élevée des plus jeunes : « le cerveau des enfants est très flexible et nous effectuons des tests pour suivre la compréhension des émotions des enfants », notent-ils. Mais ils se posent la question des effets possibles chez ceux atteints de handicap (notamment d’autisme), chez qui l’exposition à des visages masqués pourrait avoir des effets plus marqués.
 

Limiter l’exposition ou miser sur les masques transparents

L’équipe rappelle que les experts de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l'UNICEF ont notamment déconseillé l’exposition des moins de 5 ans aux masques faciaux. Et même pour les enfants plus âgés, l'OMS recommande de faire soigneusement le balancier entre les avantages du port de masque et les risques sur les plan social et psychologique, notamment dans des contextes d'apprentissage. Dans leurs conclusions, les chercheurs évoquent le fait que pour les plus jeunes, et notamment ceux porteurs d’un déficit sensoriel ou cognitif, « l’utilisation de masques transparents adaptés devrait au moins être explorée comme alternative ».
 

Des tests à approfondir

L’équipe prévoit de mener une étude complémentaire après un an d’exposition aux masques faciaux, pour voir si tout-petits, enfants et adultes ont amélioré leur capacité à reconnaître les émotions à partir d’expressions faciales avec des masques (par exemple, à travers les yeux). Une approche multimodale (mêlant information visuelle et vocale) est également envisagée. D’autres travaux devraient par ailleurs être menés dans quelques années pour analyser l’impact à long terme de la période sur les capacités d’interactions sociales.