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La pandémie entraînerait une extension de la « crise des deux ans » jusqu’à huit ans

La pandémie entraînerait une extension de la « crise des deux ans » jusqu’à huit ans
Publié le 26/05/2021
Catherine Piraud-Rouet
Journaliste spécialisée en puériculture et éducation
Les phases de colères et d’oppositions systématiques généralement observées chez les tout-petits autour de deux ans se retrouvent chez des enfants jusqu’à huit ans, du fait du stress occasionné par la pandémie.

Entre 18 mois et trois-quatre ans environ, à mesure qu’ils prennent conscience de leur individualité, les enfants traversent tous une phase de rébellion aux injonctions de leurs parents. C’est la fameuse période du « non », également surnommée « crise des deux ans », une étape normale et physiologique, nécessaire à leur bonne construction.
 

Des perturbations émotionnelles allant jusqu’à 8 ans

Ce qui est moins normal, c’est quand cette phase dure plusieurs années au-delà. Or, une étude préliminaire britannique en date du 13 mai dernier, reprise par le Guardian , a établi que ces caractéristiques émotionnelles extrêmes toucheraient désormais des enfants plus âgés, jusqu’à l’âge de huit ans . En cause, le stress généré par les confinements.
 

Les comportements de 708 enfants passés au crible

Point de départ de l'équipe de chercheurs de l'étude « Children of the 90s » (étude de l’université de Bristol, qui suit la santé et le développement de nombreuses familles britanniques depuis trente ans) : la détresse émotionnelle des parents et des jeunes a été largement étudiée depuis le début de la crise, mais beaucoup moins de celle des enfants. Via un questionnaire mené auprès de leurs parents entre la fin mai et début juillet 2020, les scientifiques ont analysé le développement émotionnel de 708 enfants pendant la crise sanitaire. Ils ont ensuite comparé ces données à celles recueillies avant l'épidémie.
 

Pleurs, colères, opposition systématique…

Le bilan est éloquent : depuis l'apparition de la pandémie, des enfants plus âgés (jusqu'à 8 ans environ) présentent des niveaux de difficultés émotionnelles beaucoup plus élevés que ceux attendus à leur âge . « A l’âge de huit ans, leur score en difficultés émotionnelles est de dix points plus haut après la pandémie qu’avant, au niveau attendu chez les « terrible two » , précise Rebecca Pearson, maître de conférences en épidémiologie psychiatrique à l’université de Bristol.

En témoigne l’exemple de la famille Melville, dont la mère, Caroline, interviewée par le Guardian explique avoir vu ses deux filles aînées (sept et six ans) régresser émotionnellement de manière drastique pendant le confinement. « C'était très difficile à vivre, affirme-t-elle . Elles se sont mises à taper des pieds, à hurler et à pleurer. Elles refusaient de s'habiller toutes seules ou même de brosser leurs dents, des choses qu'elles sont habituellement tout à fait capables de faire et ne voulaient pas sortir du tout. »
 

Risque de retard émotionnel suite à la pandémie

Pour les scientifiques, la résurgence de ces crises de colère serait le fruit du stress engendré par les confinements. Des difficultés qui pourraient se traduire par un retard émotionnel chez l'enfant. Si ce retard n'est pas pris en charge à temps, Rebecca Pearson explique qu'il « pourrait bien continuer de se développer longtemps après la pandémie » et avoir « des conséquences sur le long terme pour toute cette génération d'enfants . »

Accompagnement nécessaire à long terme

En vue de prévenir un risque d’augmentation des problèmes mentaux, ces conséquences ont besoin d’être comprises et accompagnées. Ce qui implique des investissements accrus en matière de soins pédiatriques et psychiatriques, d’école et d’accompagnement social.

L’étude, encore au stade préliminaire, devra être évaluée par des pairs. L’équipe explore à présent les facteurs protecteurs ou au contraire générateurs d’un risque accru de difficultés émotionnelles durant la pandémie et au-delà, comme la conservation d’une routine, ou encore l’impact de l’anxiété parentale.