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La crèche, source d'agressivité et de troubles de l’attention ?

La crèche,  source d'agressivité et de troubles de l’attention ?
Publié le 26/04/2022
Catherine Piraud-Rouet
Journaliste spécialisée en puériculture et éducation
Une récente étude suisse met en relation temps passé en accueil collectif et augmentation de l’agressivité et des troubles de l’attention chez les enfants, à long terme. Un diagnostic à prendre toutefois avec plusieurs réserves.

L’accueil des 0-3 ans en structures collectives est le second mode de garde extérieur choisi par les familles françaises, après les assistantes maternelles. Souvent avec satisfaction. Ces dernières années, plusieurs études ont en effet mis en exergue les effets positifs de ce choix sur le comportement des enfants. En octobre 2018, l’Inserm a montré que le choix d’un mode de garde collectif minorait les difficultés émotionnelles ou relationnelles chez les jeunes enfants. En avril 2021, une étude de l’INED pointait les effets positifs de l’accueil en crèche sur le langage, en particulier chez les enfants défavorisés.

Toutefois, peu de chercheurs s’étaient jusque-là penchés sur les effets à long terme de ce type d’accueil. C’est ce que viennent de faire des scientifiques du Jacobs Center de l’Université de Zurich, via une étude publiée le 9 mars 2022 dans la revue Plos One. Des résultats qui, à première vue du moins, font froid dans le dos.
 

Les comportements et le vécu de 1 300 jeunes passés au crible

Les données analysées ont été collectées dans le cadre du projet zurichois sur le développement social de l’enfance à l’âge adulte (z-proso) et concernaient environ 1 300 jeunes âgés de 7 à 20 ans dans la ville de Zurich. Une population disparate dont les chercheurs ont analysé le comportement social, la délinquance et la consommation de drogue. Ils ont ensuite interrogé les parents, les enseignants et les jeunes à plusieurs reprises. Objectif : déterminer si, dans leur petite enfance, ces derniers avaient été gardés par des grands-parents, des connaissances ou des gardes individuelles, ou encore pris en charge dans des crèches ou des garderies.
 

Le temps passé en crèche corrélé aux troubles du comportement

Les scientifiques sont arrivés à la conclusion suivante : plus les enfants avaient passé de temps en crèche, plus ils avaient tendance à manifester des comportements agressifs, ainsi que des symptômes du TDAH (trouble du déficit de l’attention avec/ou sans hyperactivité). L’anxiété et la dépression étaient également plus élevées. De leur côté, les enseignants ont également observé des comportements plus agressifs, des problèmes d’attention ainsi que de l’anxiété chez les élèves ayant passé plus de trois jours par semaine dans une crèche.

Des effets qui s’estompent à l’adolescence

On note néanmoins une bonne nouvelle. « Ces effets négatifs diminuent au fur et à mesure que l’enfant grandit et finissent même par disparaître vers l’âge de 13 ans », précise Margit Averdijk, une des auteurs. Seuls les troubles de l’attention ont persisté chez les adolescents plus âgés qui avaient passé beaucoup de temps dans des crèches.
 

Différentes pistes d’explications évoquées

Comment expliquer ces résultats ? Les scientifiques évoquent plusieurs hypothèses. Les enfants qui fréquentent les crèches peuvent parfois imiter le comportement problématique de leurs camarades pour attirer l’attention des personnes qui s’occupent d’eux. « Il est évident qu’un enfant apprend d’autres choses dans une crèche qu’à la maison. Il y a des disputes, c’est plus bruyant et on observe peut-être aussi des comportements non adaptés », réagit Annika Butters, autre auteure de l’étude et spécialiste en sciences de l’éducation. Les troubles observés pourraient aussi être dus à un lien affectif plus distendu des enfants avec leurs parents.
 

Un impact à relativiser

Cependant, à l’exception des publics issus des milieux les plus vulnérables, les chercheurs n’ont trouvé aucune preuve globale reliant la garde en structures collectives à la délinquance et aux addictions jusqu’au début de l’âge adulte. Surtout, l’équipe pointe le fait que des biais ont pu intervenir. D’abord, parce que la qualité des structures d’accueil n’a pas été prise en compte. Ensuite, parce que certains enfants étudiés ayant été placés en crèche il y a plus de 20 ans, les résultats ne peuvent pas être directement transposés aux structures d’aujourd’hui.