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Interview : « Malgré les lenteurs, l’État a été présent »

Christelle Dubos
Publié le 02/06/2020
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Consignes et applications diverses dans les territoires, distribution des masques, situation difficile des MAM, mesures de déconfinement : la secrétaire d’État Christelle Dubos revient pour L’assmat sur la gestion de la crise sanitaire pour les assistantes maternelles et sur les axes de réflexion pour la profession.

► Quels enseignements tirez-vous de l’impact de la crise sanitaire sur les assistantes maternelles et sur la gestion faite par votre gouvernement ?

La crise a exacerbé les difficultés des assistantes maternelles. Pour faire face au Covid 19, nous n’avions pas de notice explicative. Les règles à observer pour l’adaptation de l’ensemble des modes de garde des jeunes enfants ont été créées dans l’urgence, mais avec les professionnelles. Tout au long du confinement j’ai tenu à travailler quotidiennement avec les organisations et les syndicats d’assistantes maternelles. Il y a eu certainement des lenteurs, parfois des consignes contradictoires dans certains territoires mais l’État a su être présent et établir des consignes nationales claires à partir des interrogations soulevées par les professionnelles de terrain.

Quand nous avons constaté les disparités j’ai appelé les départements pour une application homogène des règles sur le territoire. Nous avons également tendu un filet de sécurité inédit pour protéger les assistantes maternelles, en mettant en place de manière exceptionnelle le dispositif d’activité partielle, la possibilité de bénéficier d’un arrêt de travail comme tous les français pour garde d’enfants ou lorsqu’elles sont considérées comme vulnérables à risque de forme grave de Covid-19 ou qu’elles ont à domicile une ou des personnes vulnérables. Nous avons également soutenu l’activité des Maisons d’assistantes maternelles (MAM).

 

► Toutefois les disparités d’application et de décisions sur les territoires ont persisté pendant toute la durée du confinement…

Nous nous serions bien passés de ces messages brouillés et nous comprenons que cela a compliqué la vie des assistantes maternelles qui n'en avaient pas besoin ! C’est un exemple concret de lien avec les PMI sur lequel nous devrons travailler avec les départements. Il n’y a pas de responsable à trouver mais des réponses dans le dialogue. Pour la gestion de crise nous avons demandé à ce que chaque département nomme un référent Covid pour qu’il y ait un interlocuteur privilégié avec les assistantes maternelles, et nous avons continué à travailler au niveau national avec les organisations pour comprendre les bonnes solutions à mettre en place. Je vais justement demain dans l’Oise, premier département touché par le Covid, pour rencontrer des professionnelles d’une MAM et d’une crèche familiale, échanger avec elles sur la crise et ses conséquences, les difficultés qu’elles ont pu exprimer. C’est par le terrain que nous trouverons les solutions.

 

► Les PMI géreront-elles toujours l’accompagnement et le contrôle des assistantes maternelles à l’avenir ?

La réflexion est en cours, notamment avec les travaux portés par mon collègue Adrien Taquet avec la commission des 1000 premiers jours. Nous devons trouver la solution avec les professionnels et les départements. Mais la PMI n’est pas la seule coupable, car il y a aussi la difficulté liée à l’activité des assistantes maternelles, qui sont des salariées un peu hybrides, de droit privé, sur lesquelles l’Etat n’a pas la tutelle, mais qui sont accompagnées et contrôlées par les PMI. Il faut donc se poser trois questions pour redonner espoir aux professionnelles dans leur métier, qui est le premier mode de garde en France, et je ne l’oublie pas.

La première relève de l’évolution des conditions d’exercice : nous savons que les assistantes maternelles se sentent parfois isolées et nous devons voir ensemble comment promouvoir des solutions d’exercice regroupés, en MAM ou en crèche familiale, si c’est leur souhait.

La deuxième a trait à l’accompagnement et la formation : nous devons poursuivre nos travaux sur la formation continue des 600 000 professionnels de la petite enfance et identifier les moyens d’un accompagnement renforcé avec les PMI et le développement des RAM, qui apportent des solutions intéressantes aux assistantes maternelles.

La dernière question, c’est la valorisation de l’offre auprès des parents. Nous tenons à la pérennité de ce mode d’accueil et à trouver un équilibre avec l’accueil collectif, entre la liberté de choix pour les parents et la liberté d’exercice pour les professionnels en individuel ou en collectif. C’est ma ligne. 

 

► Souhaitez-vous renforcer le statut des MAM ? La crise a montré leur grande fragilité et une méconnaissance de leur fonctionnement …

Les MAM sont déjà encadrées par des textes, nous pouvons les clarifier mais il s’agit de trouver des solutions pour les développer. Pendant la crise, nous nous sommes appuyés sur les conseils scientifiques et nous avons été clairs : toutes les structures de plus dix enfants devaient être fermées. En parallèle nous les avons soutenues avec l’activité partielle, les arrêts de travail et une aide financière pour prendre en compte les frais liés au loyer. Nous avons fait tout cela pour éviter la fermeture et les ruptures des contrats.

 

► Comment expliquer toutefois que l’aide aux MAM s’élève à 3 euros par jour et par place fermée quand celle des micro-crèches s’élève à 17 euros par jour et par place ? Qu’est-ce qui justifie cette différence de traitement ?

Ce n’est pas une différence de traitement. Les assistantes maternelles de MAM continuent à être salariées du parent employeur qui peut continuer à verser leur salaire car le parent continue à percevoir le complément de mode de garde. En parallèle nous avons créé l’activité partielle pour éviter les ruptures de contrat. Les micro-crèches, elles, ont été fermées, et les 17 euros correspondent au financement du berceau : nous prenons en compte les frais de fonctionnement liés au bâtiment. Nous savions que les MAM qui avaient des frais de loyer ou des prêts bancaires seraient en difficulté, nous avons donc travaillé avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour valider l’aide de trois euros par jour et par place fermée afin de les aider à faire face à cette charge.

 

► Demain le conseil d’administration de la CNAF devrait voter une aide pour les micro-crèches et crèches face au surcoût des produits d’entretien depuis le déconfinement : qu’en sera-t-il pour les assistantes maternelles ?

Je souhaite que les aides déjà apportées soient prolongées car notre objectif est de maintenir et faciliter la reprise d’activité. C’est au Conseil d’administration de la CNAF de valider les délibérations sur lesquelles nous avons fait des propositions, en particulier celles concernant les MAM. Nous verrons demain, mais je serai attentive à ce qu’il n’y ait pas de difficulté particulière pour l’ensemble des professionnels.

 

► Revenons sur la distribution des masques, effectuée au bon vouloir des collectivités : n’aurait-il pas fallu plus d’harmonisation ?

Nous avons dû prioriser les masques pour les professionnels de santé et les Ehpad qui étaient les plus exposés au Covid au début de la crise. Dès que nous avons pu apporter des masques aux professionnels de la petite enfance, nous l’avons fait. Par ailleurs nous avons demandé à ce que les départements, au titre de la PMI et de leurs référents Covid, soient distributeurs de masques, surtout que l’Etat les finance à 50%. Nous avons été clairs avec les départements : s’ils n’en n’avaient pas à disposition pour les assistantes maternelles, nous avions un « stock Etat » et pouvions leur transmettre. Certains départements ont joué le jeu, en ont distribué sans qu’on leur demande, d’autres moins. Certaines mairies ont également été solidaires et ont procédé à des distributions.

 

► Vous avez annoncé le maintien pour le mois de juin du dispositif d’activité partielle : les modalités d’application sont-elles identiques ?

Cette mesure exceptionnelle de protection a permis d’éviter de nombreuses ruptures de contrat. Plus de 100 000 assistantes maternelles ont pu en bénéficier et elle sera prolongée jusqu’à la fin du mois de juin dans les mêmes conditions pour prendre en compte les difficultés de certaines professionnelles, qui ont besoin de garder leurs enfants ou ont une personne vulnérable à domicile. Cela leur permettra de maintenir leur contrat jusqu’au retour vers une situation normale.

► Avez-vous une visibilité sur une prochaine extension du seuil maximal d’accueil pour les structures collectives, dont les MAM ?

Actuellement nous n’avons aucune date prédéfinie, nous regardons tous les indicateurs épidémiques qui sont les baromètres pour une reprise d’activité normale. Mais l’épidémie n’est pas terminée donc nous devons respecter ces consignes pour la vaincre. Nous avons conscience des contraintes imposées aux professionnels, mais notre premier objectif est bien leur sécurité sanitaire et celle de tous les français.

 

► Pouvez-vous nous donner le calendrier de la mise en œuvre de la réforme des modes d’accueil ?

Après un travail de concertation avec l’ensemble des acteurs, nous sommes arrivés à un bel équilibre. Avec deux belles avancées pour les assistantes maternelles : l’accès à la médecine du travail et l’accès au chômage en cas de rupture de contrat en raison d’un défaut de couverture vaccinale de l’enfant par les parents. Derrière nous avons deux éléments : les textes législatifs et les textes réglementaires. Donc nous regardons comment nous pouvons faire activer très rapidement la voie législative, mais cela va dépendre du calendrier parlementaire.

 

► Pendant cette crise, vous avez été peu visible : pourquoi ?

Je l’entends, mais ce n’est pas pour autant que je n’ai pas travaillé le sujet des assistantes maternelles, des modes de garde en général, avec une présence forte sur d’autres sujets comme l’aide alimentaire et les solidarités. J’ai eu des contacts avec les représentants des assistantes maternelles, mais c’est vrai que je n’ai pas eu de message identifié en direction des assistantes maternelles. C’est un regret et je souhaite les rassurer. Je répondrai d’ailleurs aux 160 courriers de professionnelles que j’ai reçu en fin de semaine dernière.

Je voudrais si vous me le permettez remercier les professionnels de la petite enfance. Et particulièrement les assistantes maternelles, parce qu’elle elles ont été présentes pendant la crise aux côtés des familles et pour certaines aux côtés des professionnels de première ligne. Je sais que nous avons demandé aux assistantes maternelles un exercice contraint, difficile, qui a pu les angoisser. Je ne veux pas que leur situation soit mise sous tapis mais aider la profession à retrouver de bonnes conditions d’exercice.