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Inégalités d’accès aux modes d’accueil : annonces et incohérences

Inégalités d’accès aux modes d’accueil : annonces et incohérences
Publié le 12/03/2021
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Le gouvernement présente aujourd’hui de nouvelles mesures pour soutenir l’offre d’accueil dans les territoires prioritaires, où une partie des aides aux MAM seront fléchées. Les chiffres montrent un recul de l’offre collective sur ces territoires et une croissance toujours exponentielle des micro-crèches ailleurs, pourtant trop chères pour les familles modestes.

« Faire de l’accueil du jeune enfant une politique publique plus que jamais au service de l’égalité » : telle est l’ambition du secrétaire à l’Enfance et aux Familles État Adrien Taquet. Son dossier de presse rappelle que la France reste l’un des pays d’Europe les plus inégalitaires pour l’accès à un mode d’accueil : 68 % des enfants des familles les 20 % les plus riches ont accès un mode de garde formel contre 9 % pour les plus pauvres.
 

Micro-crèches excluantes

Dès lors, chacun pourra s’étonner que le gouvernement laisse se développer des modes d’accueil accentuant cette fracture. En la matière, les derniers chiffres de l’Observatoire national de la petite enfance sont éloquents : entre 2017 et 2018, le nombre de places en accueil collectif a augmenté de 11 300 (+ 2,5 %) grâce à la croissance des micro-crèches Paje (+ 7 500 places). Or ces micro-crèches, qui « fixent librement leurs tarifs », excluent « les couples qui ont de faibles ressources ».

Les estimations pour 2019 montrent la même tendance, exponentielle depuis plusieurs années, entre 2018 et 2019 : sur l’augmentation de 10 100 places en accueil collectif, les micro-crèches seraient à l’origine de 8100 nouvelles places, « dont 7 600 seraient le fait de structures fixant librement la tarification appliquée aux familles ».

Parallèlement, la baisse du reste-à-charge pour toutes les familles recourant à l’accueil individuel, autre source d’inégalité d’accès majeure, pointée en 2017 par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF), n’a fait l’objet que d’une attention politique récente.
 

« Accueils pour tous »

Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le gouvernement annonce aujourd’hui le lancement dans les semaines à venir d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) auprès de dix territoires expérimentaux les « plus fragiles ». Des porteurs de projet d’accueil, « collectif et individuel, accueil régulier et à temps partiel », pourront bénéficier d’une aide de l’État. L’enveloppe s’élève à 2,6 millions d’euros, soit 260 000 € par territoire, pour le financement du démarrage du projet et l’aide à l’ingénierie, complété par les aides à l’investissement et aux fonctionnement des CAF.

Là aussi, les derniers chiffres de l’Onape sont intéressants, montrant qu’en 2019 le nombre de places en structures collectives financées par la branche Famille dans un quartier prioritaire de la ville (69 200 places) serait en recul de 230 places par rapport à 2018. Déjà en 2018, le nombre de création de places en EAJE sur ces territoires était en baisse de 500 places par rapport à 2017.

Aides aux MAM sur les territoires prioritaires

Dans le cadre du plan Rebond Petite Enfance, adopté par la Caisse nationale des allocations familiales le 2 février 2021, des mesures de soutien aux Maisons d’assistantes maternelles (MAM) avaient été annoncées. Les conditions de versement de ces aides à hauteur de 15,3 millions d’euros, viennent d’être précisées. Il s’agira :

→ d’un soutien immobilier pour les projets implantés sur des territoires prioritaires, pouvant aller jusqu’à 17 000€ par place

→ d’une aide au démarrage de 3 000€ pour l’achat de matériel spécialisé pour toutes les nouvelles nouvelles et pour les projets d’extension.
 

Formation des 600 000 professionnels

Autre mesure contenue dans la stratégie pauvreté, dont le déploiement a été retardé en raison de la crise sanitaire : le plan de formation des professionnels de la petite enfance, « en particulier ceux accueillant des enfants de moins de 3 ans issus de familles vulnérables ».

Construit autour de sept thématiques issues de la charte nationale de la qualité d’accueil - le langage, l’alimentation et la nature, l’art et la culture, l’accueil occasionnel, la prévention des stéréotypes, l’accueil des parents, le numérique- , il doit se déployer en 2021.

Le gouvernement précise que des conventions ont été mises en place avec les Organismes de compétences (OPCO) « pour créer des parcours de formation spécifiques et en diminuer le coût pour tous les professionnels ».

Sur les territoires, des projets peuvent également être montés par les communes, sous le pilotage des Commissaires à la lutte contre la pauvreté.