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En France, une mortalité infantile à la hausse, des causes encore floues

En France, une mortalité infantile à la hausse, des causes encore floues
Publié le 09/05/2022
Catherine Piraud-Rouet
Journaliste spécialisée en puériculture et éducation
Une série d’enquêtes récentes met en lumière l’augmentation régulière, depuis 2012, du taux de mortalité infantile en France. Une évolution qui marque un décrochage avec la moyenne des autres pays occidentaux, mais qui demeure encore largement inexpliquée.

Le taux de mortalité infantile (TMI) est le nombre de décès d’enfants de moins d’un an pour 1 000 naissances vivantes sur une période donnée. On distingue trois périodes : la néonatale précoce (0 à 6 jours après la naissance), la néonatale tardive (7 à 27 jours) et la postnatale (28 à 364 jours).
 

Une hausse inédite en temps de paix

Marqueur essentiel du développement sanitaire d’une nation, le TMI s’était caractérisé depuis le début du XXème siècle, en France comme dans l’ensemble des pays occidentaux, par une décrue continue (hors périodes de guerre). Mais cette décrue a cessé depuis une dizaine d’années : un phénomène inédit en temps de paix. Plusieurs études réalisées ce début d’année 2022 et publiées dans le numéro de mai de la revue scientifique The Lancet Regional Health Europe précisent et analysent ce phénomène.

Une équipe de chercheurs Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Cress, Inserm-Université de Paris), de l’AP-HP et du CHU de Nantes, en collaboration avec des équipes de l’Université de Californie, ont analysé les données d’état civil de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) entre 2001 et 2019.

1 200 décès de bébés en trop

Leurs travaux ont mis au jour que le TMI a fortement diminué de 2001 à 2005, puis de façon plus lente de 2005 à 2012. Et que depuis 2012, ce taux connait une croissance de 7 %, qui a fait grimper la mortalité infantile de 3,32/1 000 en 2012 à 3,56/1 000 décès pour 1 000 en 2019. Au total, sur la période, 53 077 enfants n’ont pas vécu plus d’une année. Soit un TMI moyen de 3,63/1 000 (4/1 000 chez les garçons, 3,25/ 1 000 chez les filles). Selon l’INSERM, près d’un quart des décès sont survenus au cours du premier jour de vie et la moitié au cours de la première semaine suivant la naissance. « On observe chaque année en France un excès d’environ 1 200 décès d’enfants âgés de moins d’un an », analyse le professeur Martin Chalumeau, l'un des auteurs de l’étude.
 

La France, parent pauvre des pays européens

Des chiffres bien plus élevés que dans d'autres pays de développement similaire. Le TMI est d'environ 2 / 1 000 en Finlande, en Islande, en Slovénie et au Japon et de 2,4/ 1 000 pour l'Italie. Ce qui place notre pays, selon la base de données Eurostat, à la 25ème place en Europe en la matière.
 

Des explications encore floues, par manque de données

Les raisons de cette évolution demeurent assez floues. Des analyses complémentaires ont montré que la hausse du TMI n’était pas liée à une modification des pratiques d’état-civil, ni des pratiques médicales pour la prise en charge des nouveau-nés atteints d’affections graves. On pourrait avancer le fait que la réanimation des grands prématurés (moins de 26 semaines) est moins pratiquée en France qu’ailleurs. Mais ce facteur n'explique pas pour autant cette hausse constante depuis des années. Qui plus est, les auteurs de l’étude mettent en avant le manque de données sur l'état de santé du bébé et de la mère, comme l'âge gestationnel, le poids à la naissance ou la présence d'anomalies congénitales : autant d’éléments potentiellement précieux, qui ne sont pas répertoriés dans l'acte de décès en France.
 

Des études complémentaires s’imposent pour agir au mieux

La gravité de la situation leur fait toutefois pointer la nécessité de mener une enquête approfondie urgente pour en comprendre les causes et préparer des actions correctives. « Il est primordial de pouvoir explorer en détail les causes de cette augmentation, en disposant par exemple d’informations systématiques sur les circonstances médicales et sociales précises de ces décès et en faisant de cette population, qui est la plus vulnérable, une réelle priorité de recherche et de santé publique, ce qui n’est pas le cas actuellement », déclare le professeur Chalumeau.