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Salaires impayés : les pouvoirs publics interpellés sur leur inaction pour sécuriser la profession

Salaires impayés : les pouvoirs publics interpellés sur leur inaction pour sécuriser la profession
Publié le 10/10/2022
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Cette situation très pénalisante vécue par certaines assistantes maternelles revient dans l’actualité à la faveur d’une pétition et d’une mobilisation lancée par une ancienne professionnelle.

Quelle est l’ampleur du phénomène ? Les témoignages d’assistantes maternelles qui se disent victimes d’impayés par les parents employeurs se succèdent sur la page publique Facebook « AssMat Impayées révoltées ».

Ils font suite à l’intérêt médiatique soudainement porté à l’histoire d’Alexandra Garcia, qui déclare avoir été agréée en 2018 dans l’Hérault avant d’être victime d’impayés par un parent employeur en 2019, puis avoir gagné son procès aux prud’hommes. Mais elle dit être toujours dans l’ attente de la somme de 13 000 euros due notamment au titre des salaires non versés, dommages et intérêts et autres frais de justice et actes d’huissiers.

Pétition et courriers

C’est elle qui a lancé les pages privées et publiques « Ass mat impayées révoltées » sur Facebook. « Je me révolte parce que la justice me donne raison mais je ne récupère rien, déclare-t-elle. C’est un vrai fléau d’escroqueries, avec des parents qui perçoivent les aides de la Caf puis qui se rendent insolvables pour ne rien avoir à payer ». Cette expérience l’aurait définitivement détournée de la profession mais la mobilise encore fortement, avec une détermination qui semble faire tâche d’huile : pétition, courriers adressés au Président de la République Emmanuel Macron, au ministre des Solidarités, aux députés et sénateurs, etc.

Plusieurs députés et sénateurs ont relayé ce sujet au Parlement, dont le 29 septembre dernier la sénatrice Véronique Guillotin où elle indiquait dans une question écrite au Sénat : « Les parents-employeurs déclarent chaque fin de mois le salaire qu'ils vont verser à leur assistante maternelle sur le site Pajemploi. Les parents se voient alors verser le complément de libre choix du mode de garde (CMG) qui leur permet d'alléger leur facture. Cependant, certaines familles déclarent un salaire qu'ils ne versent pas à leur assistante maternelle, tout en percevant de manière indue le CMG. L'assistante maternelle finit naturellement par démissionner, mais les sommes ne lui sont souvent pas rendues, y compris après un long parcours aux prud'hommes ».
 

Un vide juridique

Le sujet n’est malheureusement pas récent. De nombreuses assistantes maternelles, depuis de longues années, sont confrontées à des impayés et manquent d’armes pour se défendre, notamment en raison de l’état du droit actuel. Ainsi, les dettes de salaire dues à une assistante maternelle peuvent être traitées dans le cadre de la procédure de surendettement et faire, le cas échéant, l'objet de mesures de rééchelonnement ou d’effacement. Si le parent est insolvable, et qu’il bénéficie d’une telle mesure, l’assistante maternelle n’a aucun moyen de récupérer les rémunérations qui lui sont dues.

Et si l’employeur mauvais payeur a malgré tout bénéficié du complément de libre choix du mode de garde (CMG) de la Paje, cela n’a que peu de conséquences pour lui : les prestations versées sont, selon l’article L.533-4 du code la sécurité sociale, « incessibles et insaisissables sauf pour le recouvrement des prestations indûment versées à la suite d'une manœuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration de l'allocataire ». Or le versement du CMG « assistant maternel » est conditionné à l’emploi effectif d’une assistante maternelle pour la garde d'un enfant (et à la réalisation des heures déclarées à Pajemploi), mais pas au bon paiement des heures travaillées...

Toutes les organisations représentatives, syndicales et associatives, demandent donc de longue date l’instauration de fonds national de garantie de paiement des salaires, pour remédier à ce fléau. Mais les gouvernements successifs n’agissent pas.
 

Un phénomène non chiffré

« Pour quantifier ce phénomène nous souhaitons qu’une étude soit menée sur l’ensemble du territoire, souligne Sandra Onyszko, porte-parole de l’Ufnafaam. Bien-sûr nous continuons à demander la création d’un fonds de garantie. Et de manière immédiate nous conseillons à toutes les professionnelles confrontées à ces impayés de mettre fin à l’accueil dès le premier mois non payé».

Faut-il également généraliser le versement du Cmg en tiers payant, comme le préconise la Cour des comptes ? Plusieurs pistes sont assurément envisageables pour sécuriser le versement des salaires des assistantes maternelles et mettre ainsi fin à une précarité très préjudiciable. Car quels autres professionnels restent aujourd’hui soumis à tant d’aléas simplement pour vivre de leur travail ?