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Enfance maltraitée : une pétition qui divise les professionnels

enfant en danger
Publié le 25/10/2018
Une tribune publiée dans le Journal du dimanche du 21 octobre propose 19 mesures concrètes contre les « lacunes » du système de protection de l’enfance. Cette démarche est diversement appréciée par les professionnels.

La pétition, signée à ce jour par plus de 16 000 personnes, dont plusieurs personnalités, a été lancée par Michèle Créoff, vice-présidente du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) et la journaliste Françoise Laborde. Elle intervient après la parution de leur récent ouvrage intitulé « Le massacre des innocents - Les oubliés de la République».

Les chiffres égrénés dans leur texte sont glaçants : « chaque semaine, deux enfants meurent sous les coups et les tortures », « 73 000 cas de violences sur mineurs » sont identifiés chaque année, soit deux par jour, ou encore « 300 000 enfants sont pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ». Et leur constat l’est tout autant : « ces maltraitances sont fréquemment connues des services sociaux, des voisins, des juges, qui souvent maintiennent ces enfants chez leurs bourreaux ».

Les deux auteures appellent donc à mettre en place un guide national d’évaluation des dangers « face à la maltraitance familiale », à « mettre immédiatement à l’abri l’enfant lorsqu’une maltraitance est suspectée » ou encore à sécuriser le parcours des enfants placés, notamment en développant l’accueil familial. Elles demandent au Président de la République de décréter la lutte contre la maltraitance des enfants grande cause nationale.

Parmi leurs constats, beaucoup sont partagés par certains acteurs, comme Lyes Louffok, ancien enfant placé, membre du CNPE et signataire de la pétition, qui milite activement pour sortir la protection de l’enfance, et le cortège de souffrances vécues par certains enfants placés, de l’ombre. Par ailleurs, certaines mesures proposées font écho à celles contenues dans la loi du 14 mars 2016, notamment sur la sécurisation des parcours… mais sa mise en œuvre tarde encore à se déployer.

Cette démarche divise, chez les professionnels. « Fondamentalement ma réserve à l’encontre de cette pétition vient de l’outrance de l’approche au risque de n’être pas crédible et de produire un effet inverse à celui recherché en ouvrant à tous les dérapages démagogiques » réagit l’ancien juge des enfants Jean-Pierre Rosenczveig dans un texte intitulé « Pourquoi je ne signerai pas la pétition sur l’enfance maltraitée ». Il conteste les données chiffrées avancées, une « approche misérabiliste et réductrice des efforts déployés par l’ASE » et considère que « le plus préoccupant est de laisser à penser que l’on découvre le problème ».

De son côté, l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES) a annoncé son retrait du CNPE, dénonçant « l’absence de neutralité et la prise de position hautement contestable » de sa vice-présidente. L’ONES estime que Michèle Créoff « s’inscrit très clairement dans une doctrine qui tend à ébranler le cadre de la protection de l’enfance », alors que la loi de 2016 avait permis de dépasser le clivage entre des « idéologies sclérosantes et réductrices » autour de la protection de l’enfance.

Michelle Babin, présidente de la Fédération nationale des assistantes familiales (FNAF), déplore de son côté « le manque de places en familles d’accueil et en hébergement » pour les enfants qui ont besoin d’un placement. Inquiète pour l’avenir, elle continue d’observer une protection de l’enfance à géométrie variable d’un département à l’autre. « Je comprends la réaction de l’ONES car les éducateurs n’ont pas les moyens ni le temps de faire leur travail. Quant aux juges, ils font ce qu’ils peuvent mais les placements n’aboutissent pas. Cela fait longtemps que nous tirons la sonnette d’alarme, les élus doivent se réveiller » affirme-t-elle.