Vous êtes ici

Un premier jour de confinement très contrasté chez les assistantes maternelles

Un premier jour de confinement très contrasté chez les assistantes maternelles
Publié le 06/04/2021
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Certaines poursuivent l’accueil habituel sans restriction, d’autres l’arrêtent ou demandent aux employeurs de se responsabiliser. Témoignages.

« ça va bien se passer, il ne faut pas se prendre la tête » déclare dans un sourire Sandra, assistante maternelle dans les Alpes de Haute Provence. Hors de question pour elle d’arrêter de répondre aux besoins d’accueil des parents, ni de renvoyer ses propres enfants à l’école au titre de son activité prioritaire. Il y avait donc six enfants à son domicile aujourd’hui, consignes sanitaires scrupuleusement respectées.

« Les parents étaient inquiets et m’ont appelé avant le week-end pour s’organiser. Je leur ai dit qu’il n’y avait aucun problème. Il n’était pas question que je priorise certains accueils. Quant à moi, je suis personne à risque mais j’ai eu ma première injection de vaccin en mars » poursuit-elle.
 

La panique

Sylvie, assistante maternelle en Haute-Garonne, avoue s’être arrachée les cheveux avec les employeurs quand le gouvernement s’est montré incapable de donner une ligne claire. « C’était la panique ! Finalement, ils m’ont tous amené les enfants aujourd’hui parce que je leur avais dit que si j’étais autorisée à travailler, je les accueillerai tous » explique-t-elle.

Une maman soignante, une autre pharmacienne, d’autres parents en télétravail : Sylvie comprend les contraintes des particuliers employeurs. « Comme je comprends aussi que certaines collègues, pour différentes raisons, souhaitent restreindre l’accueil » indique-t-elle.
 

Double pression

C’est le cas de Valérie*, agréée pour trois accueils, dont le mari « personne vulnérable » est en arrêt maladie depuis un an, et qui a deux enfants scolarisés. « J’ai demandé aux parents qui étaient tous partis en week-end de respecter une période de quarantaine avant de m’amener les enfants seulement la semaine prochaine. Deux ont accepté, un n’a pas voulu et souhaitais que je pose des congés ! Finalement avec lui je bascule sur le dispositif d’activité partielle ».

Dans ce moment compliqué, « où nous avons à la fois la pression dans notre famille et la pression des employeurs », elle aurait souhaité un soutien de la part de la Protection maternelle et infantile (PMI) et du Relais d’assistantes maternelles (RAM). « Jusqu’ici je ne les entends pas. C’est pourtant maintenant que nous avons besoin d’eux » déplore-t-elle.

Colère contre le gouvernement

Corinne, une autre collègue haut-garonnaise, accueille en ce moment trois enfants, dont deux enfants de soignants. « Je ne me voyais pas refuser l’accueil aux parents du troisième ! Parce que faire du télétravail avec un bébé, on sait bien que c’est difficile » souligne-t-elle.

Dans le Finistère, Chantal* estime que le gouvernement ne lui pas laissé le choix : elle poursuit ses accueille car le flou et l’appel à la responsabilisation des parents la met dans une position intenable. « Le message du gouvernement sur l’accueil en cas ' d’extrême nécessité ' ne veut rien dire, puisque cela concerne tout le monde. Je suis vraiment en colère parce que nous ne sommes pas reconnues du tout ».
 

Refus d’accueil non prioritaire

Méliza, assistante maternelle dans l’Hérault, a fait le choix inverse en interprétant à la lettre cette « extrême nécessité ». Elle ne poursuit l’accueil dans les trois semaines à venir que d’un seul enfant sur cinq, car elle est fille de soignante. « A tous les autres parents employeurs, j’ai expliqué que'il n’y avait pas d’obligation de fermeture administrative dans le décret, mais une obligation morale et que j’avais décidé de me plier à cette obligation là ». Elle leur a aussi indiqué qu’ils pouvaient solliciter le dispositif d’indemnisation exceptionnelle et qu’elle ne leur demandait pas de le compléter avec les 20 %, « dans la mesure où c’est (s)a décision ».

Méliza a fléché un parent employeur que la situation mettait en difficulté vers une de ses collègues disponible pour un accueil. La perte de salaire à venir ne l’inquiète-t-elle pas ? « Ce n’est pas cette peur qui m’a guidée, c’est le rapport bénéfice/risque, ainsi que ma grande fatigue. Je n’ai jamais le temps de m’occuper de moi, avec mes horaires élargis. Je ne me voyais pas me rajouter du travail en plus, sachant que j’ai deux enfants et que j’ai décidé de les garder pendant cette période ».

Car elle n’a pas souhaité, comme beaucoup d’autres assistantes maternelles pourtant reconnues prioritaires pour l’accueil de leurs propres enfants, qu’ils soient déplacés dans un autre lieu d’accueil que leur école habituelle, seule solution souvent proposée.
 

Une année éprouvante

Aujourd’hui, elle a enfin pu prendre un rendez-vous chez un docteur et s’occuper un peu d’elle, après une année éprouvante. Elle n’oubliera pas que le gouvernement « demande aux assistantes maternelles, très vite, d’accueillir plus d’enfants que d’habitude, et qu’au final, il n’y a aucune reconnaissance ». Elle ne l’oubliera surtout pas quand les autorités seront de nouveau tatillonnes dès qu’il s’agira de demander une extension d’accueil, comme de coutume aujourd’hui. « J’ai parfois, à la lumière de cette crise sanitaire, le sentiment d’être une serpillière, qu’on essore tant qu’on peut » termine-t-elle.

 

*Le prénom a été modifié. Dans cet article, certains noms de famille et lieux d’exercice précis n’apparaissent pas dans un soucis de protection des assistantes maternelles.