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Port du masque et reconnaissance des émotions par les enfants : une étude qui rassure… du moins à court terme.

Port du masque et reconnaissance des émotions par les enfants : une étude qui rassure… du moins à court terme.
Publié le 30/11/2021
Catherine Piraud-Rouet
Journaliste spécialisée en puériculture et éducation
L’obligation du port du masque par tous les adultes encadrants dans les établissements d’accueil du jeune enfant et les écoles maternelles n’entraîne pas de grandes difficultés de décryptage des émotions par les tout-petits. C’est ce qu’il ressort d’une récente étude suisse. Une conclusion qui reste toutefois à confirmer sur le long terme.

Depuis le printemps 2020, l’obligation du port du masque dans les écoles et les structures préscolaires entraîne des craintes touchant au développement des enfants et, en particulier, à leur reconnaissance des émotions de leurs encadrants masqués. Des inquiétudes qui n’ont plus lieu d’être, si l’on en croit une étude suisse parue le 15 novembre dernier dans le journal JAMA Pediatrics.
 

Un taux de réussite proche, avec ou sans masque

Réalisée par une équipe du Département femme-mère-enfant du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et de l'Institut universitaire de formation et recherche en soins de l'Université de Lausanne (UNIL), l’étude a porté 276 enfants âgés de 3 à 6 ans et sans problèmes de développement. Les chercheurs ont montré aux enfants 90 images mettant en scène des acteurs, pour la moitié masqués, exprimant trois émotions : la joie, la colère et la tristesse.

Dans la plupart des cas, les enfants sont parvenus à identifier correctement les émotions figurées, que les personnes portent ou non un masque. Entre le taux de réussite en cas de port du masque (67 % environ) et celui enregistré face à des visages nus (70 %), la marge globale n’était que de 4 %. Environ un quart des bambins d'âge préscolaire avaient davantage de difficultés à distinguer la tristesse de la colère et environ 21 % confondaient parfois les trois émotions. Les enfants plus âgés avaient des taux de réussite plus élevés.

Des résultats qui confirment ceux d’une autre étude sur des enfants plus âgés

Ces résultats corroborent ceux d’une autre étude, américaine celle-là, publiée dans la revue Plos One le 23 décembre 2020 et portant sur des enfants plus âgés (7 à 13 ans). Les chercheurs avaient montré à plus de 80 d’entre eux des photos de personnes à visage découvert, portant un masque ou des lunettes de soleil et exprimant tristesse, colère ou peur. Les enfants ont obtenu une réponse correcte dans deux cas sur trois pour les visages découverts. Face aux visages masqués, le taux de réussite passait à 28 % pour la tristesse, à 27 % pour la colère et à 18 % pour la peur. Des scores toutefois similaires à ceux constatés face aux visages portant des lunettes de soleil.

Explication des chercheurs : les émotions ne se transmettent pas uniquement par le visage. Entrent aussi en jeu le regard, les inflexions vocales, le positionnement du corps, le contexte… « Les enfants sont vraiment résilients : ils sont capables de s'adapter aux informations qu'on leur donne et il ne me semble pas que le port d'un masque va ralentir leur développement », concluait la chercheuse Ashley Ruba.
 

Certaines limites subsistent

Toutes les interrogations sont-elles pour autant caduques ? Ce serait sans doute aller trop vite en besogne. Déjà, parce que d’autres études, à peine plus récentes, ont obtenu des résultats diamétralement opposés. Comme ces travaux de l’Istituto Italiano di Tecnologia de Gênes, publiés le 25 mai dernier dans la revue Frontiers in Psychology et présentés par nos soins ici, et selon lesquels les enfants d’âge préscolaire ne peuvent pas percevoir facilement la tristesse et la joie chez les personnes portant des masques.

L’hypothèse de la plasticité cérébrale élevée des plus jeunes venait positiver ces conclusions. Cette plasticité semble aujourd’hui avérée, du moins pour les enfants ne souffrant d’autant problème de développement particulier. Mais la question reste entière pour les enfants atteints de handicap (notamment d’autisme). Rappelons, également, que l'Organisation mondiale de la santé et l'UNICEF ont notamment conseillé de limiter l’exposition des moins de 5 ans aux masques faciaux.

Enfin, dans un sens comme dans un autre, l’on manque encore de recul sur l’impact à long terme du port du masque sur les capacités d’interactions sociales des enfants. Ce n’est qu’au fil des années que des conclusions irréfutables et affinées se feront jour. En attendant, il est toujours conseillé, autant que faire se peut, de privilégier les masques inclusifs, ou transparents.