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MAM : un si faible soutien

Publié le 23/06/2020
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Pendant la crise sanitaire, la fragilité des Maisons d’assistantes maternelles (MAM) et leur faible poids dans l’agenda politique sont apparus au grand jour. Enquête sur les racines d'un déséquilibre entre les modes d'accueil.

Tout commence par trois incompréhensions de la part des professionnelles exerçant en Maison d’assistantes maternelles pendant la crise sanitaire : pourquoi le conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) vote le 1er avril une aide de 17 euros par jour et place fermée pour les micro-crèches financées par la PAJE, et rien pour les MAM ? Pourquoi, une semaine après, le conseil d’administration décide finalement de voter une aide pour les MAM d’un montant bien inférieur : trois euros par jour et par place fermée ? Pourquoi enfin, le 3 juin, le même conseil d’administration vote une aide supplémentaire pour le déconfinement de 10 euros par jour et place occupée pour les micro-crèches et rien pour les MAM ?

Sur ces questions, la CNAF ne souhaite pas s’étendre et renvoie L’assmat vers « le ministère de tutelle », c’est-à-dire des Solidarités et de la Santé. Lequel nous explique que l’aide de 17 euros par jour et place fermée a été conçue pour compenser la fermeture des micro-crèches fragilisées financièrement car elles ne pouvaient plus facturer les places aux familles. Que c’est une question de « tuyau » financier, les assistantes maternelles pouvant continuer à être rémunérées par les parents via le Complément mode de garde de la PAJE.
 

Différence de traitement

Mais en quoi les micro-crèches étaient-elles plus fragilisées financièrement que les MAM ? Les professionnelles de micro-crèches pouvaient tout à fait prétendre au chômage partiel, comme les professionnelles des MAM. Par ailleurs les deux types de structures ont des frais de loyer et de fonctionnement à payer.

Cette différence de traitement invite donc à questionner pourquoi le gouvernement et la CNAF semblent davantage à l’écoute des micro-crèches que des MAM. Et donc en creux à s’interroger sur l’expansion des micro-crèches, à la faveur d’un « puissant lobbying » de ses promoteurs auprès des décideurs publics, comme en témoignent les différents acteurs que nous avons interrogés.

 

Absence du conseil d’administration

« Les assistantes maternelles sont absentes du conseil d’administration de la CNAF, alors même que nous représentons le premier mode d’accueil, regrette Sandra Onyzsko, porte parole de l’UFNAFAAM. Seule l’Union nationale des associations familiales (UNAF), qui parle au nom des familles, défend l’accueil individuel ».

Sur ce point, Isabelle Sancerni, présidente de la CNAF, fait valoir que «  les assistants maternels sont représentés au sein du conseil d’administration par les représentants des salariés, comme indiqué dans la convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur signée par FO, CGT, CFTC, CFDT. Du côté des employeurs, les entreprises du secteur sont représentées par le Medef ».

Problème : en dehors de la CGT, les grandes centrales syndicales présentes au conseil d’administration de la CNAF ne sont plus représentatives dans la branche des assistantes maternelles du particulier employeur. « Ces centrales méconnaissent les assistantes maternelles et leurs représentants au sein du Conseil d’administration parlent essentiellement au nom de l’accueil collectif. Il n’y a pas d’équilibre » dénonce Sandra Onyzsko. Une information confirmée par Stéphane Fustec, représentant national de la CGT Services à la personne.

Interrogée, l’UNAF indique ne pas vouloir « s’exprimer sur le sujet » mais précise : « Si nous parlons de l'accueil individuel c'est pour défendre les intérêts des usagers et plus largement des familles car c'est pour eux un mode d'accueil essentiel : premier mode de garde formel bien avant les crèches. Aujourd'hui, les conseils d’administration de la CNAF et des CAF ne sont pas et ne doivent pas devenir des instances regroupant des corporations professionnelles ». 
 

Deux poids deux mesures

Alors que fait la Fédération française des entreprises de crèche (FFEC) au sein du conseil d’administration de la CNAF au titre du MEDEF ? Un « deux poids deux mesures » qui interroge, là encore, en écho à la très forte expansion des micro-crèches PAJE.

Rappelons que ces établissements perçoivent de la part de la CAF un Cmg « structure » dans le cadre de la Prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), sous réserve que l’enfant soit accueilli un minimum de 16 heures par mois et que le gestionnaire ne dépasse pas un tarif horaire de 10€. La Caf rembourse 85% des frais mensuels de garde dans la limite d’un plafond fixé selon les revenus et le nombre d’enfants à charge - un minimum de 15% de la dépense reste à charge de la famille.
 

Coût des micro-crèches

Nouveau problème : le coût de facturation élevé des micro-crèches, pointé par plusieurs acteurs. En 2016, Alain Feretti, chef de file de l’UNAF au sein du conseil d’administration de la CNAF, auditionné par des sénatrices sur les MAM soulignait que les micro-crèches PAJE étaient de « véritables machines à exclure les familles modestes car elles deviennent inaccessibles financièrement pour une majorité de parents », en référence à une étude menée par la CAF de la Somme. Un comble pour des structures soutenues par l’argent public, également relevé par le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) dans son rapport sur l’accueil des enfants de moins de trois ans publié en avril 2018.

« Selon la CNAF, avant crédit d’impôt, le reste à charge moyen pour les familles est de 2,69 de l’heure pour les micro-crèches PAJE soit plus de deux fois supérieur à celui des micro-crèches PSU (1,23 de l’heure). Ce reste à charge élevé interroge sur l’accessibilité financière de ces micro- crèches » relève le HCFEA. Le Haut conseil souligne également l’importante progression des créations de places portées par le secteur marchand ces dernières années.

Dans sa revue de dépenses concernant la politique d’accueil du jeune enfant publié en juin 2017, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) relève également que « l’écart de reste à charge entre les micro crèches PAJE et les EAJE PSU est important (+ 400 €/mois environ, soit une solution de garde 8 fois plus chère pour un couple à 1 SMIC et 2 fois plus chère pour un couple à 6 SMIC, a minima) et d’autant plus difficilement justifiable que le service rendu dans les deux types de structures est similaire ».

 

Rééquilibrer les modes d’accueil

Dans cet univers concurrentiel, où certains acteurs parviennent très bien à se vendre, quel soutien pour les assistantes maternelles à domicile et en MAM ? Il apparait bien faible.

Dans un courrier adressé le 3 avril à la secrétaire d’État Christelle Dubos, l’Ufnafaam estime que « si un équilibre n’est pas mieux respecté entre les différents modes d’accueil, sachant que celui-ci passe bien évidemment par du soutien humain et financier pour les assistants maternels, il y aura encore perdition de places d’accueil ».

Quant à savoir s’il faut accorder une plus large place à l’accueil individuel au sein du conseil d’administration de la CNAF, le gouvernement botte en touche. Le cabinet de Christelle Dubos admet toutefois que le rééquilibrage des modes d’accueil « pose des questions de prospective politique, face au risque de perte de place des assistantes maternelles dans les prochaines années ».

 

Choix politiques et financiers

Prospective, mais surtout choix politiques et financiers. A quand un rapprochement des restes-à-charge entre les modes d’accueil, recommandé entre autres par l’IGAS, qui préconise aussi de diminuer le plafond horaire de facturation des micro crèches PAJE ? Si Christelle Dubos répète être la secrétaire d’État de tous les modes d’accueil, sans vouloir opposer les uns aux autres, cette position de statu-quo permet à certains acteurs de l’accueil du jeune enfant de se tailler la part du lion.