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Maltraitances en crèches : le constat alarmant de l’IGAS

Maltraitances en crèches : le constat alarmant de l’IGAS
Publié le 11/04/2023
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Les inspecteurs pointent le développement d’une offre quantitative sans pilotage de la qualité, dans des établissements où les maltraitances restent « un impensé ».

Il faut revenir sur l’origine de ce rapport, commandé le 25 juillet 2022 à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) par le ministre des Solidarités Jean-Christophe Combe. Un mois plus tôt, une enfant avait trouvé la mort dans une crèche People and Baby de Lyon, un drame qui avait provoqué la stupeur dans une France où la crèche était présentée à longueur de baromètres comme « le mode d’accueil préféré des français ».

Pourtant, depuis de nombreuses années, sous la houlette notamment du collectif Pas de bébés à la consigne, les professionnels témoignaient de conditions d’accueil et de travail de plus en plus dégradées. Un constat qui s’est aggravé depuis la crise sanitaire.

Révéler l’existant

En quelque sorte, ce rapport, dont la présentation jeudi lors du comité de filière petite enfance a provoqué la consternation dans les rangs, ne fait que retranscrire une réalité que beaucoup d’acteurs refusaient de voir, d’admettre ou de mesurer jusqu’à présent : « la politique publique d’accueil s’est construite comme une politique de service aux familles, prioritairement orientée par une logique quantitative d’accroissement de l’offre, sans véritable pilotage de la qualité » relèvent les auteurs.

Cela se traduit donc par une « très grande disparité des établissements en termes de qualité, et des écarts importants entre les établissements sur tous les plans ».
 

39 recommandations

Rythme individuel de l’enfant peu respecté, motricité libre « entravée » : plus grave encore, « la maltraitance reste un impensé de l’accueil collectif, qui présente pourtant les mêmes facteurs de risque que tout accueil de personnes en situation de grande dépendance » souligne le rapport.

Afin d’améliorer la qualité d’accueil, les inspecteurs émettent 39 recommandations. Parmi elles, une refonte du financement en mettant fin au modèle Prestation de service unique (Psu) et Prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). Ils préconisent également de mieux réguler le secteur marchand, qui « peut laisser prospérer des stratégies économiques préjudiciables à la qualité d’accueil ».
 

Le spectre des Ehpad privés

L’Igas pointe notamment un manque de visibilité « plus net encore pour les micro-crèches financées par le biais de la Paje, qui ne font pas l’objet d’un contrôle financier de la branche famille, dans la mesure où le financement est octroyé aux familles par le biais d’une allocation, et non directement aux établissements »

Or, selon l’Igas « les leçons tirées en 2022 des rapports entre la puissance publique et les gestionnaires privés d’EHPAD peuvent à ce titre être très largement appliquées au secteur des crèches. Le secteur des crèches est marqué par la domination de grands groupes engagés dans des stratégies de croissance ambitieuses, par une entrée des fonds de capital-investissement dans l’actionnariat du secteur. Cette dynamique doit susciter la vigilance de l’Etat, tant pour les risques de coûts financiers que représente cette dynamique, que pour les exigences de rentabilité qui peuvent lui être associées ».