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La lente mise en œuvre du fichier national des agréments

La lente mise en œuvre du fichier national des agréments
Publié le 04/04/2024
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Si la ministre déléguée Sarah El Haïry annonce un projet de décret la semaine prochaine, le lancement de cette base de données se heurte à des difficultés techniques et opérationnelles.

Plus de deux ans après la loi du 7 février 2022, qui a créé une base nationale des agréments des assistants familiaux, le décret d’application est toujours attendu. Cette base de données est censée sécuriser le parcours des enfants placés avec un meilleur contrôle des professionnels, en permettant aux employeurs de vérifier de la validité de l’agrément de l’assistant familial qu’ils recrutent et rémunèrent, et aux départements, de s’assurer qu’un assistant familial ou un assistant maternel dont l’agrément a été retiré ou suspendu ne puisse pas exercer dans un autre territoire.
 

Décret devant le Conseil d’Etat

Soumise à une forte pression politique sur le sujet des défaillances de l’Aide sociale à l’enfance, la ministre déléguée à l’Enfance et aux Familles a annoncé hier, lors d’un débat organisé à l’Assemblée nationale par des groupes d’opposition, « avoir mis un coup de pression très fort » sur ce projet de décret. Il sera selon elle adressé dès la semaine prochaine au Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) et au Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), avant d’être soumis au Conseil d’État.
 

Piloté par France Enfance Protégée

Ce fichier sera géré par le groupement d’intérêt public (GIP) France Enfance Protégée, lui-même créé en janvier 2023… et qui avait jusqu’ici pour priorité sa propre structuration. Si une chargée de projet « système d’information », recrutée début 2024, travaille déjà sur la base nationale des agréments d’adoption, le chantier de la base des assistants familiaux n’a pas démarré.

« Nous avons eu une réunion de cadrage avec la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) en début d’année, avec qui nous devons avancer concomitamment puisque qu’elle va produire le décret. La base nationale figure bien dans notre projet stratégique 2024 » souligne Pierre Stecker, directeur général du GIP France Enfance Protégée.

Sur le plan opérationnel, outre la nécessité de circonscrire les finalités et le périmètre de ce fichier national, le GIP souhaite désormais mettre autour de la table les départements, qui gèrent les agréments via la Protection maternelle et infantile (Pmi), et différents acteurs, dont les réseaux associatifs de la protection de l’enfance.

Des difficultés à lever

Le projet se heurte toutefois à plusieurs difficultés : d’abord techniques, puisque chaque département utilise ses propres outils de recensement des agréments, et alors que trois systèmes d’informations différents sont utilisés par les uns et les autres, sans compter les logiciels utilisés côté associatif (ndlr : les assistants familiaux peuvent être embauchés par des acteurs privés).

« Tout le monde utilise des outils différents, on ne sait pas exactement quelles sont les pratiques, ni quels sont les besoins et les attentes par rapport à cette base de données, il faut donc mieux préciser la finalité de cette base » souligne Pierre Stecker.
 

Pas de compétence « métier »

Ensuite, l’accueil familial restant dans l’angle mort des politiques publiques - ndlr : tout en étant affiché comme prioritaire par le gouvernement – le GIP ne dispose pas actuellement, selon Pierre Stecker, de personnel référent sur les assistants familiaux, qui pourrait piloter la création du fichier. Le recrutement d’un professionnel issu d’un département, ayant eu une responsabilité sur les services d’accueil familial, est à l’étude. Par ailleurs l’équipe informatique du GIP étant restreinte, la création technique du fichier devrait être confié à un prestataire.

Enfin côté calendrier, une expérimentation avant généralisation pourrait démarrer fin 2024 ou début 2025.
 

Vers des données plus fiables ?

« Il a fallu énormément de temps à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) pour réaliser son enquête quantitative et qualitative sur les assistants familiaux publiée en décembre 2023. La base de données des agréments assistants familiaux pourra avoir une deuxième finalité : donner des informations un peu plus fiables sur la réalité de l’accueil familial aujourd’hui » espère Pierre Stecker.