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Assistants familiaux : un rapport inédit sur leurs conditions de travail et qualité de vie

Assistants familiaux : un rapport inédit sur leurs conditions de travail et qualité de vie
Publié le 15/03/2023
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Sens au travail, intégration dans l’équipe, rémunérations variables : ce baromètre national fournit des pistes de travail aux pouvoirs publics afin de mieux soutenir la profession.

Les rapports de recherche quantitatives éclairant la profession d’assistant familial sont tellement rares qu’ils constituent un petit événement. Un document d’autant plus important dans « un climat sociétal inquiétant pour la profession », avec une baisse continue du nombre de professionnels malgré les campagnes de recrutement dans les départements.

Menée auprès de 2643 participants via les réseaux sociaux par le biais d’un questionnaire, cette enquête associant secteur associatif et chercheurs porte « sur le bien-être au travail, sur les conditions de travail, sur les relations avec les professionnels, les relations avec les enfants accueillis et sur les conditions d’exercice du métier » (1). Ses données et son analyse ont vocation à permettre de suivre l’évolution de ces indicateurs dans le temps et d’éclairer les orientations des pouvoirs publics en matière de protection de l’enfance, et plus spécifiquement d’accueil familial.
 

Les employeurs privés plus actifs

L’enquête montre que les assistants familiaux dont les employeurs sont issus du secteur privé ont des relations de travail plus régulières avec leur responsable que ceux du public, rencontrent plus souvent le référent de l’enfant et disposent plus souvent d’un projet pour l’enfant (PPE).

Les deux tiers des assistants familiaux se sentent « respectés, reconnus, intégrés et soutenus par l’équipe », des résultats « encourageants » et « à rebours des idées reçues ». Mais plus les professionnels sont diplômés moins ils se sentent intégrés, témoignant peut-être d’« attentes plus marquées que les autres assistants familiaux en termes de management d’équipe et de relations de travail ».

Seulement 57 % des assistants familiaux expriment facilement leurs ressentis ou leurs besoins pour l’enfant à l’équipe, traduisant un « manque de confiance professionnelle » dans l’équipe.

Congés

Les assistants familiaux les plus diplômés sont les plus nombreux à partir en congés sans les enfants confiés (67,4 %), sont les moins enclins à partir avec les enfants en vacances pendant tous leurs congés (9,3 %) ou même une partie de leurs congés (23,3 %). Quand ils sont mariés ou en couple, ils sont plus disposés à partir en vacances avec les enfants confiés pendant leurs congés que lorsqu’ils sont célibataires ou famille monoparentale.
 

Salaires

71,5 % des assistants familiaux gagnent moins de 2 000 € par mois : 50 % entre 1 000 à 2 000 € par mois, 22,8 % entre 2 000 à 3 000 €, 21,5 % moins de 1 000 € et 4,6 % gagnent entre 3 000 à 4 000 €. « Il s’agit donc d’un métier financièrement peu attractif compte tenu de l’amplitude horaire travaillée et de l’implication familiale suscitée » relève l’enquête.

Une analyse cartographique montre que les régions Grand Est, Centre-Val de Loire et Pays de la Loire sont les plus inégalitaires en termes de rémunération, contrairement à l’Île-de- France, la Bretagne et la Normandie. Le niveau de diplôme n’est pas une variable significative dans ces différences salariales : la variable déterminante reste le nombre de places d’agrément.
 

Impact sur la vie de famille

Les hommes assistants familiaux sont plus nombreux à considérer les impacts négatifs de leur activité sur leur vie de famille que les impacts positifs, à l’opposé des femmes, ce qui renvoie à la transmission des rôles genrés liée au travail à domicile, historiquement exercé par les femmes.

Concernant l’avenir de leur métier, les assistants familiaux ont « moyennement confiance » (48%). Les plus confiants sont des femmes jeunes qui entrent dans la profession avec un seul enfant.
 

Ruptures d’accueil

C’est un sujet « invisible » dans la recherche en France. Pourtant 53 % des professionnels ont déjà vécu une rupture d’accueil, soit une famille d’accueil sur deux, une décision majoritairement à l’initiative des professionnels et non au service. Un constat « alarmant » qui « vient balayer l’effet protecteur qui identifiait l’accueil en famille par une prise en charge sécurisante et stable de l’enfant » selon Nathalie Chapon.

Le nombre de places d’agrément est une variable très significative : 68,5 % des assistants familiaux accueillant un seul enfant n’ont jamais connu de ruptures de placement, contre seulement 38,4 % de ceux accueillant trois enfants.

D’où la nécessité d’un « accompagnement spécifique chez les assistants familiaux accueillant trois enfants et plus » et d’un suivi chez les assistants familiaux plus âgés qui connaissent le plus de ruptures, un public « plus exigeant, plus critique vis-à-vis de la profession et moins à la demande de rencontre avec le travailleur social ».
 

Indicateur de bien-être

La deuxième partie du rapport analyse les différents indicateurs de bien-être au travail : revenus, situation géographique, implication dans l’équipe, etc. Les trois variables les plus importantes sont la solitude - ceux qui se sentent les moins seuls sont les plus satisfaits -, l’impact sur la vie de famille et la rémunération.
 

Perte de sens

En conclusion, le rapport identifie que l’une des principales difficultés pour les assistants familiaux « est la confrontation aux injonctions paradoxales de l’institution, qui produisent le sentiment de tordre ses propres valeurs et la conception de son travail, engendrant un effritement voire « une perte de sens du travail » ».

En cause : la gestion économique des places avec une tendance à l’augmentation par assistant familial, « qui ne répond plus aux besoins spécifiques de l’enfant mais au nombre de places disponibles, avec un manque de suivi des enfants confiés et des assistants familiaux par les travailleurs sociaux, notamment le référent pour l’enfant ».

Pratiques d’accompagnement, rémunération : ce rapport contient de nombreuses pistes de travail pour les employeurs publics et privés des assistants familiaux, et plus largement pour la secrétaire d’État à l’enfance Charlotte Caubel, afin d’impulser des changements pour la profession.

 

(1) Le questionnaire a été diffusé sur les réseaux sociaux en janvier 2022 parl’ANAMAAF, la CASAMAAF, le SAF Solidaires, le Groupe Assfams/travailleurs sociaux : Avançons unis pour la protection de l’enfance. 2 643 assistants familiaux ont répondu avec plus de 18 000 verbatim exploitables, recueillis par la plateforme Vousecoute. Les données ont été analysées par le laboratoire MESOPOLHIS et le laboratoire de psychologie de l’ université de Besançon, sous la responsabilité de Nathalie CHAPON Professeur des Universités, Université Bourgogne Franche-Comté