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Vers un statut « d’indépendante » pour les assistantes maternelles ?

Vers un statut « d’indépendante » pour les assistantes maternelles ?
Publié le 07/03/2023
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Dans un rapport qui doit être soumis au vote aujourd’hui, le HCFEA propose d’assouplir le statut de salariée du particulier employeur, via des organismes prestataires ou le travail indépendant : des mesures censées renforcer l’accueil individuel qui inquiètent les acteurs de la branche.

C’est une proposition retentissante que s’apprête à émettre le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) : dans un rapport soumis au vote aujourd’hui et que L’assmat s’est procuré, il propose de réformer le statut des assistantes maternelles pour en créer plusieurs.

Sans supprimer le statut actuel de particulier employeur, le HCFEA suggère d’y ajouter deux modalités supplémentaires :

→ L’une permettrait de « passer par l’intermédiaire d’une structure prestataire, qui serait l’interlocutrice privilégiée des parents qui passeraient contrat avec elles, et salarierait les assistantes maternelles travaillant dans son réseau ; c’est le mode d’organisation de beaucoup de services d’aides à la personne, notamment en direction des personnes âgées » ;

→ L’autre porterait sur « un statut d’indépendant adapté à cette profession ; l’idée est ici que le parent paie pour un service qui lui est rendu par un travailleur indépendant, de la même manière qu’il paie les actes réalisés par des professionnels de santé » [Ndlr. Cette disposition a finalement été retirée du rapport final]
 

Risque d’ubérisation

Le HCFEA précise qu’il faudra « offrir des garanties satisfaisantes, notamment en regard de la protection sociale, en évitant notamment une « ubérisation » de la profession ».

Un détour par les conditions de travail et salariales dans les services d’aides à la personne, et par les difficultés d’accès à la protection sociale des indépendants a toutefois de quoi laisser perplexes, et inquiètes, les organisations représentatives.

En toute logique donc, ces propositions ont provoqué la vive réaction des organisations représentatives de la branche mercredi, qui craignent la « déstructuration d’un modèle » au profit d’un système « visant à alimenter les bénéfices d’acteurs économiques ».

Difficultés des parents employeurs

Le Haut conseil justifie cette proposition par la difficulté pour les parents de devenir employeurs. « Si beaucoup d’efforts ont été faits par l’Acoss avec les dispositifs Pajemploi et Pajemploi+, avec l’aide de la Fepem, pour simplifier autant que possible les démarches pour les parents, on ne se mue pas du jour au lendemain en Directeur des ressources humaines au fait de toutes les subtilités du droit du travail et du respect des obligations envers les salariés (par exemple en termes de congés ou en fin de contrat) » pointe-t-il.

En outre « s’ajoute l’incertitude sur la régularité des revenus (avec parfois des parents qui « oublient » de payer un mois), et la complexité d’être salarié à temps partiel d’une pluralité d’employeurs différents ».
 

Accueil individuel indispensable

Cette proposition étonne d’autant plus que le HCFEA affirme haut et fort dans le rapport que l’accueil individuel doit devenir une priorité des pouvoirs publics dans le cadre du futur Service public de la petite enfance (dont il souhaite exclure les micro-crèches privées lucratives qui ne respectent pas, selon lui, les critères d’égalité et de coût nécessaires.. une position qui détonne et ne manquera pas de faire réagir ce secteur).

« D’un certain point de vue, alors que l’attention des acteurs publics s’est longtemps focalisée sur les EAJE, avec lesquels les relations peuvent être plus formalisées et protocolisées, il convient aujourd’hui d’accorder une attention au moins équivalente au secteur des assistantes maternelles, sans lesquelles toute perspective de SPPE s’avérerait impossible à atteindre » relève le Haut conseil.
 

Plan de soutien aux MAM

Le rapport préconise également l’élaboration d’un plan national de soutien au développement des Maisons d’assistantes maternelles (MAM) qui « a vocation à terme à devenir le mode d’exercice principal pour les assistantes maternelles ».

S’il est voté en l’état, et si son impact reste incertain sur les décisions à venir du gouvernement sur le Service public de la petite enfance, ce rapport provoquera quelques secousses dans un secteur englué dans une crise dont il parvient difficilement à entrevoir la fin.