Vous êtes ici

Pauvreté et accueil du jeune enfant : le retard français

Publié le 17/09/2021
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Un ouvrage publié récemment par la Caisse nationale des allocations familiales dresse un état des savoirs sur ce sujet, objet d’annonces politiques et pourtant si peu exploré.

Passionnant et nécessaire, cet ouvrage décortique dans le moindre détail le sujet de l’accueil des jeunes enfants en situation de pauvreté.

Premier constat majeur : en France, « les effets des politiques d’accueil, mesurés en particulier par la fréquentation des structures d’accueil, sont très peu analysés ».

En conséquence, les études scientifiques analysant le développement des jeunes enfants en situation de pauvreté et l’effet des modes d’accueil sur ce développement sont pour la plupart anglo-saxonnes. 
 

Rareté des études

Dans l’hexagone, il faut se contenter de deux études, l’une issue de la cohorte EDEN l’autre de la cohorte ELFE. Leurs conclusions sont « similaires à celles issues de la littérature internationale, à savoir un effet de l’accueil extrafamilial sur le plan cognitif et peu ou pas d’effet dans le champ socio-émotionnel pour les enfants issus de milieux défavorisés ». 

Quant à la sociologie de la pauvreté, il s’agit « sauf rares exceptions d’une sociologie des adultes et les enfants y sont très rarement présents », relève le document. Et les familles en situation de pauvreté, que souhaitent-elles pour leurs enfants ? Là encore, « peu d’études – voire aucune – n’explorent les attentes, représentations des familles, des pères et des mères en situation de pauvreté sur les dispositifs d’accueil de leur jeune enfant ». 
 

Accueil individuel oublié

Deuxième constat, déjà connu : la crèche constitue aujourd’hui et « de loin » le mode d’accueil le plus accessible financièrement aux familles les plus précaires. D’où l’enjeu actuel de la réduction des inégalités de reste-à-charge entre les modes d’accueil, afin de rendre plus accessible l’accueil individuel. 

Le gouvernement a annoncé en juin son intention de réformer le Complément mode de garde dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Contacté ce matin, le cabinet du Secrétaire d’État Adrien Taquet ne souhaite pas en dire plus avant la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, prévue le 6 octobre prochain, pendant le déroulement de la « Conférence des familles »… dont le programme n’a toujours pas été dévoilé.
 

Effets pervers

Comment conduire une politique publique lorsqu’il est impossible de s’appuyer sur la science ? 

Comment des professionnels du jeune enfant eux-mêmes précarisés peuvent-ils « rester disponibles aux situations des enfants pauvres » ? Le document soulève des questions essentielles qui lèvent le voile sur la réalité du secteur de l’accueil du jeune enfant. 

Et pointe au passage « l’attrait pour des offres formatives-commerciales complémentaires aux cursus de formation » et « l’implantation de méthodes supposées répondre facilement et efficacement à des problèmes de prise en charge des tout-petits », comme « Parler bambin » pour l’acquisition du langage.

« On pourrait aussi s’interroger sur la place donnée à l’accueil individuel, l’accueil chez les assistant.e.s maternel. le.s étant l’un des modes d’accueil externe à la famille nucléaire le plus recouru » indique également l’ouvrage. 
 

Développer les connaissances

Les auteurs invitent donc à lancer des recherches sur le sujet afin de mieux orienter les politiques publiques. Parmi elles, « des études analysant les pratiques d’accueil des enfants dans les EAJE et chez des assistant.e.s maternel.le.s », qui sont aujourd’hui « inexistantes ». Sur ce sujet majeur - 2,8 millions d’enfants vivraient dans des familles dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté (Insee 2016), les auteurs appellent in fine à lever les nombreuses « zones d’ombre ».