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Une surcontamination au Covid chez les assistantes maternelles ?

Contamination au Covid chez les assistantes maternelles
Publié le 29/03/2021
Catherine Piraud-Rouet
Journaliste spécialisée en puériculture et éducation
Selon une récente étude de l’Institut Pasteur portant sur les comportements et pratiques favorisant les contaminations au Covid, l’accueil d’un enfant chez une assistante maternelle est plus à risques pour les parents que la garde en crèche ou qu’en école maternelle. Comment comprendre ces chiffres, et surtout que faire pour les faire évoluer à la baisse ?

 

Début mars, l’étude ComCor, menée par l'Institut Pasteur en partenariat avec la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, l’institut Ipsos et Santé Publique France, a jeté un véritable pavé dans la mare pour la profession.

L’étude ComCor, qui couvre à ce jour la période du 1er octobre 2020 au 31 janvier 2021, inclut 77 208 participants contaminés par le Covid, hors personnels soignants. L’étude permet de décrire les lieux et les circonstances de contamination. Elle compare également les comportements de 8 702 de ces cas avec ceux de 4 351 témoins identifiés par IPSOS et appariés sur l’âge, le sexe, le lieu, et la date.

Dans la phase intermédiaire de ces travaux, publiée le 2 mars dernier, les chercheurs estiment le sur-risque de contamination pour les adultes ayant un enfant accueilli chez une assistante maternelle de 39 %, contre 13 % en crèche et 15 % en école maternelle. Que faut-il penser de ces chiffres ?

Des chiffres à relativiser

Des acteurs différents, une étude déclarative

Selon Elise Launay, pédiatre infectiologue, professeure de pédiatrie au CHU de Nantes et présidente du Groupe de pédiatrie générale sociale et environnementale à la Société française de Pédiatrie (SFP), ces résultats sont à relativiser, pour diverses raisons. « Primo, on ne compare pas forcément les mêmes personnes, avec, à la clé, des comportements peut-être différents, note-t-elle. Par ailleurs, toutes ces données relèvent du seul déclaratif. »

Des chiffres variables en fonction de la période

Antoine Napoly, pédiatre à Ramonville-Saint-Agne (Haute-Garonne), pointe la forte variabilité de ces chiffres en fonction de la période considérée. Si le chiffre monte à + 126 % sur la période pré-confinement (contre +8 % en crèche et +13 % en maternelle), par contre, de la période du déconfinement à Noël, on note -7% de contamination lorsqu’un enfant de la famille était confié chez une assistante maternelle, contre +45% lorsqu’il y avait un enfant confié en crèche et +16 % pour une garde en maternelle ! A y perdre son latin…

Un sur-risque dans le foyer parfois plus important que chez l’assistante maternelle

D’ailleurs, à partir de trois personnes dans le foyer (à savoir a priori un couple et un enfant), le sur-risque de contamination peut apparaitre comme au moins égal à celui de l'accueil chez une assistante maternelle. Par exemple, avec trois personnes dans le foyer, le risque est de +33 % ; de + 46 % avec quatre et de 52 %, de + 95 % avec cinq et de +122 % avec six. « C’est ce nombre de personnes dans le foyer qui marque la corrélation numéro un avec le risque de contamination des parents », estime Antoine Napoly.

Association statistique ne veut pas dire causalité

Elise Launay martèle un message fort, visant à rassurer assistantes maternelles comme parents. « Association statistique ne veut pas dire causalité, assure-t-elle. Un exemple : si une étude révèle que les porteurs de briquet ont plus de cancers que les autres catégories d’individus, il n’y a pas lieu d’en tirer la conclusion que c’est parce qu’ils ont un briquet qu’ils ont plus de cancers. Cette corrélation provient, bien sûr, de l’activité induite par cette possession, à savoir le tabagisme. » Selon elle, la même démarche intellectuelle doit prévaloir ici. « Le sur-risque évoqué ne veut pas dire que le mode de garde chez une assistante maternelle est plus dangereux en soi que la crèche ou la maternelle », rassure-t-elle.

Des gestes barrière plus facilement relâchés à domicile

Pour Elise Launay, l’une des hypothèses est plutôt que ce mode de garde, plus « familial », induit, chez les parents, des comportements sans doute plus relâchés en matière de respect des gestes barrières (port du masque, hygiène des mains, distanciation sociale…) que pour ceux qui accompagnent leur enfant en crèche ou en maternelle. 

Qu’en est-il du côté des assistantes maternelles ? « Les mesures barrières sont en moyenne respectées plus scrupuleusement en accueil collectif, du fait notamment que les professionnelles se surveillent les unes les autres, avance Catherine Salinier, pédiatre à Gradignan (Gironde) et ancienne présidente de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA). Ce qui pêche dans l’accueil à domicile, c’est justement… le domicile ! Le foyer compte aussi le conjoint, qui peut travailler à l’extérieur, ainsi que les enfants du couple, généralement scolarisés. Sans compter la voisine qui passe parfois quelques minutes, sans forcément prendre toutes les précautions nécessaires… Résultat : même si l’assistante maternelle se montre irréprochable sur le plan des gestes barrières, le milieu demeure moins sécurisé. Par ailleurs, les assistantes maternelles sont souvent moins regardantes qu’en crèche pour accepter un enfant fiévreux. » Antoine Napoly voit, lui, l’une des explications dans la difficulté, pour ces professionnelles, de se livrer à un nettoyage aussi approfondi qu’en collectivité. « Ce n’est pas leur cœur de métier, et elles sont seules à faire ce ménage : le côté « multitâches » peut légitimement avoir ses limites », souligne-t-il.

Que faire pour prévenir cette surcontamination ?

Porter le masque au maximum

Selon l’étude, dans 84 % des cas, la personne contaminatrice ne portait pas de masque. Jusqu’il y a peu « non obligatoire » pour les assistantes maternelles lorsqu’elles étaient seules en présence des enfants, le port du masque est désormais « recommandé ». « Je serais partisane d’imposer le masque comme en crèche, avec quand même la liberté de le baisser quand on est à plus de deux mètres de l’enfant, préconise Catherine Salinier. Il faut être raisonnable : je prends un enfant dans les bras pour lui lire une histoire, je mets le masque. Certes, c’est contraignant, certes la qualité de la communication avec le tout-petit peut être impactée, mais ces inconvénients sont limités si on surjoue du regard. »

Une hygiène individuelle irréprochable pour tous dans le foyer

Le virus peut rester vivant sur les surfaces pendant 5 jours, par contre il est très facile à détruire, évoque Antoine Napoly, qui préconise de désinfecter poignées et surfaces après le départ des enfants. « Il convient de conserver les protocoles, en se départant toutefois de tout pointillisme excessif, conseille Catherine Salinier. Ce qui importe vraiment, c’est l’hygiène individuelle : se laver les mains avant et après avoir mangé, après être sorti, après être allé aux toilettes… Il faut insister sur ces gestes barrières pour toutes les personnes du foyer. Et ne pas laisser des inconnus approcher les enfants sans précautions ni les toucher, à l’intérieur comme à l’extérieur. »

Aération régulière et sorties fréquentes

Les chercheurs de l’institut Pasteur décrivent que le contact contaminateur a eu lieu à l’intérieur, fenêtres fermées, dans 80 % des cas ; un chiffre qui baisse à 15 % quand les fenêtres sont ouvertes ; et à 5 % seulement à l’extérieur. D’où la nécessité de s’astreindre à aérer régulièrement le domicile, au moins trois minutes toutes les heures (normes conseillées), de manière à créer un courant d’air. Sortir les enfants, a minima dans le jardin, dès que c’est possible, est également essentiel.

Pour les déplacements, attention au co-voiturage, qui reste une circonstance importante et stable de transmission : la pratique augmente de 58 % en moyenne le risque, les trajets en bus, en tramway ou en métro étant beaucoup plus sûrs (avec, respectivement, un risque de -38, -29 et -1 %). « Même remarque que précédemment concernant les modes de transport, tempère Elise Launay. Si les facteurs de sur-risque sont assez évidents en matière de co-voiturage (milieu clos, manque de distanciation sociale…), ce n’est pas tant les transports en commun qui protègent, mais probablement les comportements plus sécurisés qui y sont associés. »

Intransigeance face à toute suspicion de contamination

Selon l’étude, dans 37 % des cas pour les transmissions hors du domicile, la personne source de l’infection était symptomatique au moment du contact infectant. Pour Catherine Salinier, il est impératif de mettre tout scrupule de côté et d’appliquer strictement les protocoles. « Il faut refuser d’accueillir tout enfant fébrile (plus de 38,5) et demander aux parents, pour le réintégrer, de revenir avec un mot du médecin ou un test négatif, détaille-t-elle. Et tant pis si cela embête les parents ! » Si ces derniers sont cas contacts, leur demander d’isoler l’enfant avec eux jusqu’au retour de leurs tests. Si l’on est soi-même contaminée, il est crucial de s’isoler immédiatement dès le début des symptômes, et non pas au retour des résultats du test. « La contagiosité est maximale dans les cinq jours qui suivent le début des symptômes », rappellent les scientifiques de Pasteur.

Se faire vacciner dès que possible

C’est la recommandation ultime. « En ces temps difficiles, les assistantes maternelles doivent se sentir investies d’une mission de santé davantage que du maternage stricto sensu. L’impératif : aller se faire vacciner dès que possible. Il y va de leur travail et de leur éthique professionnelle », relève Catherine Salinier.

Les variants, menace toujours croissante

La prudence est d’autant plus de mise que, comme le notent les chercheurs de l’Institut Pasteur, tous ces résultats pourraient être remis en question par l’arrivée des variants anglais, sud-africains et brésiliens sur le territoire français. « Il est possible, si la dose minimale infectante est plus faible avec la contagiosité accrue du variant anglais, que des modes de transmission inefficaces auparavant chez les enfants le soient devenus avec l’arrivée de ces variants plus contagieux », alertent-ils. La vigilance semble réellement à renforcer, du côté des professionnels de la petite enfance comme des parents. « Dans nos services, nous sommes depuis un mois en phase épidémique de bronchiolite, alors qu’on n’en voyait pratiquement plus ces derniers temps », témoigne Elise Launay. Un signe qui, selon elle, ne trompe pas, d’un certain relâchement des gestes barrières au sein du grand public.

Non à la culpabilisation, oui à la responsabilisation

Ces points de vigilance étant rappelés, les professionnels de santé interrogés se rejoignent tous sur un point : l’heure n’est surtout pas à la culpabilisation, mais à la responsabilisation. « Tout le monde est épuisé face à une épidémie qui dure : mieux vaut régulièrement rappeler les bonnes pratiques, mais de manière positive et bienveillante », note Elise Launay. La condition sine qua non pour tenir encore, assistantes maternelles et parents surtout pas les uns contre les autres, mais main dans la main dans une lutte au quotidien – et de tous les instants - contre l’épidémie.

Les assistantes maternelles a priori peu à risques

Le sur-risque évoqué touche-t-il également l’assistante maternelle et sa famille ? Rien, dans l’étude, ne permet de le confirmer de manière scientifique. Au contraire, selon l’étude, les risques sur le plan professionnel semblent d’ailleurs moins importants pour les assistantes maternelles que pour d’autres professions : les professionnels relevant des « services directs aux particuliers » faisant partie, selon les chercheurs, des moins exposés à la contamination dans le cadre de leur exercice. « Si on les compare à des femmes au foyer (sic), on observe même un sous-risque de -73 % », pointe Antoine Napoly.

Par contre, les résultats de l’étude, selon lesquels plus le nombre de personnes dans le foyer augmente et plus le sur-risque grimpe, pourrait permettre, par extrapolation, de déduire que plus l’assistante maternelle accueille d’enfants et plus le risque relatif est fort. Mais dans tous les cas, il reste limité.