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Protection de l’enfance : le projet de loi critiqué pour son « manque d’ambition »

Protection de l’enfance : le projet de loi critiqué pour son « manque d’ambition »
Publié le 16/06/2021
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Le projet de loi relatif à la protection des enfants était présenté aujourd’hui devant le Conseil des ministres.

Présenté comme un projet venant « approfondir et parachever » les précédentes loi de 2007 et 2016, ce projet de loi comprend diverses mesures concernant l’accueil des mineurs à l’hôtel, la modification de la clé de répartition des mineurs non accompagnés (MNA) ou encore la création d’un organisme national unique de gouvernance.
 

Assistants familiaux

Le texte, qui doit être discuté en juillet à l’Assemblée nationale, comporte aussi plusieurs mesures concernant les assistants familiaux :

→ fixation d’une rémunération minimale de l’assistant familial pour l’accueil d’un seul enfant.

→ maintien de la rémunération en cas de suspension d’agrément jusqu’à quatre mois, durée maximale de la suspension.

→ instauration d’une limitation des possibilités de cumul d’employeurs pour l’assistant familial.

→ création d’une base nationale des agréments pour contrôler les professionnels exerçant dans plusieurs départements ou susceptibles de changer de département à la suite d’un retrait d’agrément

→ possibilité de poursuivre l’activité au-delà de 67 ans afin de continuer à prendre en charge des enfants déjà confiés.

Réactions de la profession

L’Anamaaf, la Casamaaf et le Saf-Solidaires ont fait savoir le 10 juin qu’ils attendaient « une vraie valorisation, attractivité du métier et une protection pour les 38 000 assistants familiaux au même titre que tout agent territorial et salarié de la protection sociale ».

L’Ufnafaam, satisfaite de la rémunération au Smic et du maintien de la rémunération en cas de suspension, n’est pas totalement rassurée pour l’avenir de la profession. « Est-ce qu’on ne va pas obliger l’assistante familiale à accueillir un enfant qu’elle n’aura pas les moyens seule d’accompagner ? D’autres mesures sont attendues d’ici le 31 décembre, comme le droit au répit ou l’intégration des assistantes familiales dans les équipes, mais nous devons rester vigilants quant à leur effectivité et leur homogénéisation sur le territoire » réagit Martine Orlak, présidente.
 

Une « petite loi »

Globalement, ce projet de loi attire de nombreuses critiques, dont celles de l’ancien juge des enfants Jean-Pierre Rosenczveig qu’il qualifie de « petite Loi », avec « des trous dans la raquette et, dans le même temps, une loi fourre-tout » sur son blog. L’ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny a par ailleurs lancé dimanche avec d’anciennes Défenseures des enfants un appel pour l’écriture d’un Code de l’enfance en France, à l’heure où l’Union Européenne a lancé sa première stratégie sur les droits de l’enfant.

Les membres du bureau du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) pointent le « manque d’ambition » de ce texte, avec « une faiblesse des actions en matière de prévention » et l’omission des conditions de travail de plus en plus dégradées des salariés en protection de l’enfance.
 

Déception sur le placement à l’hôtel

Lyes Louffok, militant des droits de l’enfant, dénonce sur Twitter un texte « sans ambition, sans moyens, et très mal ficelé ». Il pointe le fait que l’édification de normes d’encadrement, mesure pourtant phare de la Stratégie de protection de l’enfance du secrétaire d’État Adrien Taquet, ait disparu du texte. Mais surtout il dénonce les manquements à l’interdiction du placement des mineurs à l’hôtel, autre mesure phare attendue. Le texte prévoit en effet des exceptions à cette interdiction, ce qui fait dire au réseau d'entraide d’anciens enfants placés Repairs!75 qu’il s’agit davantage d’« un encadrement ». L’association souhaite donc « une interdiction totale au terme de 6 mois de transition permettant aux services de s’organiser ».

Pour Lyes Louffok la seule « excellente nouvelle » de ce texte est la création d’une base nationale des agréments des assistants familiaux. De son côté Repairs!75 demande également de faciliter les passerelles entre la fonction publique territoriale et hospitalière et le métier d’assistante familiale.
 

Un texte « succinct » pour l’ADF

Enfin, l’Assemblée des départements de France tacle « un texte succinct, présenté en urgence », et manquant de « grand plan en faveur de la psychiatrie ». « Aucun engagement de l’Etat et aucune des mesures urgentes ne figurent dans ce projet de loi, dont le titre ambitieux ne correspond à la portée réelle » poursuit-elle dans son communiqué publié aujourd’hui.