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Mort subite du nourrisson : la piste de la responsabilité d’une enzyme

Mort subite du nourrisson :  la piste de la responsabilité d’une enzyme
Publié le 20/05/2022
Catherine Piraud-Rouet
Journaliste spécialisée en puériculture et éducation
Des chercheurs australiens affirment avoir identifié un marqueur biochimique sanguin qui pourrait être la cause du syndrome de mort subite - ou mort inattendue - du nourrisson. Une percée potentielle pour réduire le nombre de décès avant la première année de vie.

Avec quelque 250 cas par an, selon Santé Publique France, le syndrome de mort subite du nourrisson (SMSN), aujourd'hui appelé « mort inattendue du nourrisson » (MIN), est la première cause de mortalité infantile en France chez les bébés de un à douze mois. La MIN se produit le plus souvent durant le sommeil de l’enfant, sans cause médicale apparente : une explication qui résiste à ce jour aux examens, à l’autopsie et à l’analyse des antécédents cliniques.

Une récente étude d’une équipe de l’hôpital pour enfants de Westmead, en Australie, publiée dans la revue eBioMedicine (The Lancet) le 6 mai dernier, pourrait constituer enfin une piste sérieuse pour expliquer et prévenir ce fléau.
 

Trois publics de nourrissons comparés

Les scientifiques ont travaillé sur des échantillons de sang prélevés sur 722 nourrissons de 2 à 3 jours dans le cadre du programme de dépistage néonatal. Ils y ont analysé les niveaux d’activité de l’enzyme butyrylcholinestérases (BChE), un marqueur sanguin qui influe sur la capacité du nourrisson à se réveiller ou à réagir à son environnement extérieur.

Les niveaux de l’enzyme ont été mesurés à la fois dans 67 décès liés à la MIN et chez les nourrissons décédés d’autres causes. Ces données ont ensuite été comparées à dix nourrissons survivants ayant la même date de naissance et le même sexe. Un taux significativement plus faible d’enzymes BChE a été relevé dans le sang des bébés décédés par MIN par rapport à des nourrissons en bonne santé ou ceux décédés d’autres causes.

Une première mondiale

Pour le Dr Carmel Harrington, directrice de l’étude, ces résultats constituent « la première preuve que les bébés qui succombent au SMSN sont différents dès la naissance ». Elle explique : « Habituellement, si un bébé est confronté à une situation potentiellement mortelle, comme une difficulté à respirer pendant le sommeil parce qu’il est sur le ventre, il se réveille et crie. Ce que cette recherche montre, c’est que certains bébés n’ont pas cette même réponse d’éveil fiable. » Elle ajoute : « Maintenant que nous savons que la butyrylcholinestérase est impliquée, nous pouvons commencer à modifier le sort de ces bébés et faire du SMSN un phénomène appartenant au passé ».
 

Vers un dépistage précoce des MIN ?

Si ces résultats se confirment, un dépistage généralisé pour les nourrissons pourrait être envisageable, dans le but d’identifier les risques de mort subite et de mettre en place des stratégies préventives. Un horizon qui s’inscrit toutefois, dans le meilleur des cas, dans le moyen terme : entre trois et cinq ans, selon les prévisions du Dr Harrington. Mais d’ores et déjà, l’étude a le mérite de décharger un peu les parents du poids de la culpabilité. « Cette découverte donne enfin des réponses aux parents qui ont perdu leurs enfants si tragiquement. Ces familles peuvent maintenant vivre en sachant que ce n’était pas leur faute », conclut-elle.

 

Rappel des consignes de sécurité

En attendant ce bond en avant, il est bon de rappeler quelques consignes de base visant à limiter les risques de MIN. Les bébés doivent être couchés sur le dos, la position ventrale favorisant l’enfouissement, l’hyperthermie et le confinement respiratoire. Le matelas doit être ferme, sans oreiller, couette, couverture ni matériels de contention (cale-bébé, cale-tête, coussin de positionnement, réducteur de lit), et sans jouets ni peluches alentours. La température ambiante doit être modérée (18-20°).

En savoir plus : Haute Autorité de santé et Conseil national professionnel de pédiatrie. Fiche Mémo Prévention des déformations crâniennes positionnelles et mort inattendue du nourrisson, février 2020.