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Complément mode de garde : trois pistes pour la baisse du reste à charge

Complément mode de garde : trois pistes pour la baisse du reste à charge
Publié le 19/05/2021
Laetitia Delhon
Journaliste spécialisée dans le travail social et médico-social, la petite enfance et le handicap
Dans un rapport remis hier à Adrien Taquet, le HCFEA propose trois scénarios et demande l’augmentation de la dépense publique liée au complément de libre choix du mode de garde (CMG) pour revaloriser l’accueil individuel.

Le Haut conseil de la famille de l’enfance et de l’âge (HCFEA) avait été saisi le 11 janvier 2021 par le secrétaire d’État à l’Enfance et aux Familles afin d’analyser le sujet épineux des différences de restes à charge entre les modes d’accueil. En juin 2017, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) avaient sonné l’alerte, dans la revue des dépenses sur la politique d’accueil du jeune enfant. Depuis plusieurs années, le HCFEA et d’autres acteurs dont l’UFNAFAAM plaidaient pour une évolution du Complément de mode de garde (CMG) « assistantes maternelles ». Dans son rapport provisoire, adressé à L’assmat par le gouvernement, le HCFEA étudie différents scénarios à partir de plusieurs constats..
 

Effets de seuil

Dans son rapport, le HCFEA constate ainsi que :

→ Le montant du CMG pour un enfant accueilli est forfaitaire, ne dépend pas du nombre d’heures d’accueil réalisées par l’assistante maternelle, contrairement à la participation publique au coût d’un enfant en crèche collective. Les parents ayant recours à un nombre d’heures important ont donc un reste à charge (RAC) « rapidement élevé ».

→ Ce montant est modulé en fonction des ressources, « avec des effets de seuil brutaux lorsque le ménage dépasse ne serait-ce que d’un euro le niveau du seuil ».

Inaccessible aux parents modestes

En conséquence, le nombre d’heures de recours médian est inférieur à 100 heures par mois pour les niveaux de ressources les plus faibles, et augmente jusqu’à 120 heures pour des ressources de 6000 à 8000 euros mensuels.

Le tarif horaire, très variable d’un territoire à l’autre, peut également constituer un frein dans les territoires où la demande est élevée.

Le taux d’effort des parents les plus modestes peut être deux fois plus élevé chez une assistante maternelle que dans une structure collective. Donc « une très faible proportion des ménages appartenant aux deux premiers quintiles de niveaux de vie (ndlr : moins de 1 Smic et de 1 à 2 Smic) recourt à une assistante maternelle ».
 

Baisse des bénéficiaires

S’ajoutent à ces premiers constats la baisse des montants du CMG depuis 2004, qui ont diminué de 3,1 % en euros constants en raison de sous-revalorisations.

Pour toutes ces raisons, le nombre de bénéficiaires du CMG décroit depuis 2012, et plus fortement depuis 2017 (-3,3 % entre juin 2018 et juin 2019, et -1,7 % par an entre 2012 et 2018).
 

Trois scénarios

A la lumière de ces constats, et parce que « les différences parfois importantes de reste à charge entre assistantes maternelles et EAJE se justifient difficilement », le HCFEA propose trois pistes de réforme du CMG.

► Scénario 1 : un taux d’effort proportionnel au coût horaire

L’État prendrait en charge une part fixe du coût horaire, de sorte que « quand le coût horaire payé par la famille est égal au coût horaire médian sur l’ensemble du pays, le RAC pour la famille soit exactement le même que si son enfant était accueilli en EAJE ».

Le coût de ce scénario est estimé à 206 millions d’euros.

Parmi les avantages : une meilleure solvabilisation des familles dont le taux de recours est élevé, un meilleur accès pour les familles modestes, suppression des effets de seuil.

Inconvénients : 45 % des bénéficiaires actuels du CMG y perdent, notamment les familles aisées ayant un faible recours.

► Scénarios 2 et 3 : prise en charge d’une partie du surcoût pour les familles recourant à l’accueil individuel par rapport à un EAJE.

Il s’agit là aussi de fixer un coût de référence horaire pour lequel le RAC de la famille employant une assistante maternelle serait le même qu’en EAJE. Une partie de l’écart entre le coût réel et le coût de référence serait pris en compte pour le calcul du CMG.

Parmi les avantages : toutes les familles modestes sont gagnantes, la part de familles gagnantes augmente avec le volume horaire et diminue avec le revenu.

Inconvénients : les familles aisées et les familles qui ont besoin d’un faible volume horaire d’accueil sont perdantes.
 

Pas de recette miracle

En conclusion, le HCFEA constate qu’«aucun scénario ne permet d’égaliser les RAC entre accueil individuel et Eaje pour tous les niveaux de coût horaire et toutes les familles » et que dans chaque scénario « les perdants sont les ménages ayant recours à une assistante maternelle pour moins de 50 heures d’accueil et ceux avec des revenus d’activité supérieurs au plafond de la première tranche du barème ayant besoin de moins de 125 heures d’accueil ».

Mais le HCFEA ajoute qu’« une telle réforme ne saurait se faire à coût constant et juge indispensable d’augmenter la dépense publique de CMG, la participation publique au coût de l’accueil payé par les parents étant globalement moins favorable que pour un accueil en EAJE ».

Sans se prononcer sur le scénario à privilégier, le Haut conseil insiste sur le fait « qu’une telle réforme pourrait être défavorable pour les parents ayant besoin d’un faible nombre d’heures d’accueil et pour ceux ayant des revenus d’activité supérieurs au seuil de la première tranche et besoin d’un nombre d’heures d’accueil intermédiaire ». Il recommande donc de limiter au maximum « le nombre de cas concernés et leurs effets ».

Dernière recommandation : indexer le nouveau barème du CMG sur l’évolution du coût des assistantes maternelles et pas sur l’évolution des prix, « faute de quoi le reste à charge des familles augmenterait tendanciellement au cours du temps ».

Sur Twitter, Adrien Taquet a déclaré que ces « propositions très intéressantes (…) seront étudiées avec soin ».