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Bébé câliné, futur adulte plus empathique !

Publié le 22/04/2021
Catherine Piraud-Rouet
Journaliste spécialisée en puériculture et éducation
On n’arrête décidément pas d’en découvrir sur les bienfaits des câlins… Selon une récente étude, le contact maternel rapproché juste après la naissance revêt des effets mesurables sur le fonctionnement du cerveau social de l’enfant des décennies plus tard. Notamment sur sa capacité à faire preuve d’empathie.

Les étonnants pouvoirs des câlins se confirment de jour en jour. Une étude israélienne, publiée le 6 avril dernier dans la revue scientifique américaine PNAS, fait le lien entre la proximité mère-enfant dès la naissance et l'empathie que ce dernier développera à l'âge adulte.
 

Trois groupes de bébés étudiés

Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont d’abord divisé une centaine de nouveau-nés (tous issus d’une famille biparentale et au revenu supérieur au seuil de pauvreté) en trois catégories. La première regroupait les nourrissons nés à terme, en bonne santé et ayant pu avoir un contact avec leur mère dès le premier jour. La deuxième était constituée de prématurés ayant été incubés et donc privés de contact physique avec leur mère pendant au moins deux semaines. La dernière catégorie rassemblait des prématurés plus stables et ayant bénéficié d’un contact en peau à peau avec leur mère au moins une heure par jour pendant au minimum 14 jours consécutifs. Hypothèse des chercheurs : la proximité du corps maternel serait bénéfique pour les enfants pour diverses raisons, comme l'attachement ou l'autorégulation.

 

Deux décennies de suivi

Puis, pendant deux décennies, les chercheurs ont suivi les enfants et leurs familles. D’année en année, ils ont évalué l’évolution de leurs interactions, ainsi que la « synchronie sociale mère-enfant ». Au début de l'âge adulte, ils ont analysé le cerveau des enfants. « Nous recherchions la capacité du cerveau à faire preuve d'empathie avec les sentiments des autres, de la tristesse et la détresse à la joie », dévoile Ruth Feldman, professeure de neurosciences et autrice principale de l’étude.

Une synchronisation sociale améliorée

Les scientifiques ont constaté que ce contact maternel précoce avait amélioré la synchronisation sociale tout au long du développement de ces individus. « La proximité du corps de la mère a permis à la mère et aux nourrissons d'être plus en harmonie, plus en phase l'un avec l'autre, décrypte Ruth Feldman. Cette synchronisation a, à son tour, sensibilisé le cerveau à être plus en mesure de faire preuve d'empathie avec les émotions des autres. »

Les chercheurs ont observé que les zones cérébrales spécifiquement en jeu étaient l'amygdale et l'insula. La première étant le centre d'identification non conscient des émotions et la seconde, la seconde, la zone où l’on intègre les signaux de son propre corps avec ceux de l'état émotionnel d'une autre personne.
 

Les premières années cruciales

Pour les chercheurs, les premières années sont cruciales. Les premières synchronisations sociales interviennent dès l’âge de trois mois et se poursuivent toute la vie. Ils soulignent l'importance d'avoir des parents « aimants et réconfortants ». « Les parents deviennent plus sensibles aux signaux de leur bébé lorsqu'ils sont régulièrement en contact direct, même si ce n'est pas peau à peau, avance le Dr Michael Yogman, pédiatre américain cité dans l’étude. Cela commence à synchroniser les biorythmes, les rythmes circadiens, les variations hormonales et les changements dans le cerveau. » Les effets du contact corporel maternel en peau à peau seraient particulièrement positifs.
 

Notre cerveau est résilient

L’équipe se veut rassurante : pour les enfants prématurés qui n’ont pas pu être câlinés par leurs parents au cours des premières semaines, rien n’est perdu. « Lorsqu'ils sont rentrés chez eux avec des parents aimants et réconfortants, ils ont quand même développé des sentiments d’empathie, observe Michael Yogman. Notre cerveau est résilient. »
 

Les pères et les grands-parents importants aussi

Si les chercheurs ne se sont intéressés qu'au rapport mère-enfant, ils soulignent que la place du père reste importante. « Lorsque les pères sont engagés dans les soins aux nourrissons, il existe des voies qui les rendraient tout aussi bénéfiques pour le bébé, poursuit Ruth Feldman. Je suppose que toute relation aimante et stable dans la vie de l'enfant est importante. » Ce qui inclue les grands-parents. Mais aussi, potentiellement, les assistantes maternelles et familiales.